Sur la Charité

 17ème Dimanche après la Pentecôte

Sur la Charité

(Fragments)


Vous aimerez le Seigneur de tout votre cœur (S.Matth., xxii, 37.)


Pour servir le bon Dieu parfaitement, ah ! ce n'est pas assez de croire en lui. Il est vrai que la foi nous fait croire toutes les vérités que l'Église nous enseigne, et que, sans cette foi, toutes nos actions sont sans mérite aux yeux de Dieu. La foi nous est donc absolument nécessaire pour nous sauver. Cependant cette foi précieuse qui nous découvre d'avance les beautés du ciel nous quittera un jour, parce que, dans l'autre vie, il n'y aura plus de mystères. L'espérance, qui est un don du ciel, nous est aussi nécessaire pour nous faire agir avec des intentions bien droites et bien pures, dans la seule vue de plaire à Dieu, en tout ce que nous faisons, soit pour gagner le ciel, soit pour éviter l'enfer. Mais la charité nous porte à aimer Dieu parce qu'il est, infiniment bon, infiniment aimable et qu'il mérite d'être aimé. Mais, me direz-vous, comment donc connaître si nous avons cette belle vertu qui est si agréable à Dieu, et qui nous fait agir avec tant de noblesse ; c'est-à-dire, qui nous porte à aimer le bon Dieu, non par la crainte des peines de l'enfer, ni par l'espérance du ciel ; mais unique­ment à cause de ses perfections infinies ? – Ce qui doit nous porter à tant désirer et à tant demander au bon Dieu cette belle vertu, c'est qu'elle doit nous accompa­gner toute l'éternité. Bien plus, c'est la charité qui doit faire tout notre bonheur ; puisque la félicité des bienheu­reux consiste à aimer. Cette vertu si belle ; si capable de nous rendre heureux, même dès ce monde, voyons, M.F., si nous l'avons, et cherchons les moyens de l'ac­quérir.


I. – Si je demandais à un enfant : Qu'est-ce que la charité ? Il me répondrait : C'est une vertu qui nous vient du ciel, par laquelle nous aimons Dieu de tout notre cœur, et le prochain comme nous-mêmes par rapport à Dieu. – Mais, me demanderez-vous maintenant, qu'est-ce qu'aimer le bon Dieu par-dessus toutes choses, et plus que soi-même ? – C'est le préférer à tout ce qui est créé ; c'est être dans la disposition de perdre son bien, sa réputation, ses parents et ses amis, ses enfants ; son mari ou sa femme et sa vie même, plutôt que de commettre le moindre péché mortel. Saint Augustin nous dit qu'aimer Dieu parfaitement, c'est l'aimer sans mesure, quand il n'y aurait ni ciel à espérer, ni enfer à craindre ; c'est l'aimer de toute l'étendue de son cœur. Si vous m'en demandez la raison, c'est que Dieu est infiniment aimable et digne d'être aimé. Si nous l'aimons véritablement, ni les souffrances, ni les persécutions, ni le mépris, ni la vie, ni la mort ne pourront nous ravir cet amour que nous devons à Dieu. Nous sentons nous-mêmes, M.F., que si nous n'aimons pas le bon Dieu nous ne pouvons être que bien malheureux, très malheureux. Si l'homme est créé pour aimer le bon Dieu, il ne peut trouver son bonheur qu'en Dieu seul. Quand nous serions maîtres du monde, si nous n'aimons pas le bon Dieu, nous ne pouvons être que malheureux tout le temps de notre vie. Si vous voulez mieux vous en convaincre, voyez, interrogez les gens qui vivent sans aimer le bon Dieu. Voyez ces personnes qui abandonnent la fréquentation des sacrements et la prière, voyez-les dans quelque chagrin, quelque perte, hélas ! elles se maudissent, elles se tuent, ou meurent de chagrin. Un avare n'est pas plus content quand il a beaucoup que quand il a peu. Un ivrogne est-il plus heureux, après avoir bu le coup de vin où il croyait trouver tout son plaisir ? Il n'en est que plus malheureux, Un orgueilleux n'a jamais de repos : il craint toujours d'être méprisé. Un vindicatif, en cherchant à se venger, ne peut dormir ni le jour ni la nuit. Voyez encore un infâme impudique qui croit trouver son bonheur dans les plaisirs de la chair : il va jusqu'à, je ne dis pas perdre sa réputation, mais son bien, sa santé et son âme, sans cependant pouvoir trouver de quoi se contenter. Et pourquoi, M.F., ne pouvons-nous pas être heureux en tout ce qui semble devoir nous contenter ? Ah ! c'est que, n'étant créés que pour Dieu, il n'y a que lui seul qui pourra nous satisfaire, c'est-à-dire nous rendre heureux autant qu'il est possible de l'être sur cette pauvre terre. Aveugles que nous sommes, nous nous attachons à la vie, à la terre et à ses biens ! hélas ! aux plaisirs, disons mieux, nous nous attachons à tout ce qui est, capable de nous rendre malheureux ! Combien les saints, M.F., ont été plus sages que nous de tout mépriser pour ne chercher que Dieu seul ! Que celui qui aime véritablement le bon Dieu fait peu de cas de tout ce qui est sur la terre ! Combien de grands du monde, combien même de princes, de rois et d'empereurs, ne voyons-nous pas, qui ont tout laissé pour aller servir le bon Dieu plus librement dans les déserts ou dans les monastères ! Combien d'autres pour montrer au bon Dieu leur amour, sont montés sur les échafauds, comme des vainqueurs sur leurs trônes ! Ah ! M.F., que celui qui a le bonheur de se détacher des choses du monde pour ne s'attacher qu'à Dieu seul est heureux ! Hélas ! combien en est-il parmi vous qui ont vingt ou trente ans, et n'ont jamais demandé au bon Dieu cet amour qui est un don du ciel, comme vous le dit votre catéchisme. Dès lors, il ne faut pas nous étonner, M.F., si nous sommes si terrestres et si peu spirituels ! Cette manière de nous comporter ne peut nous conduire qu'à une fin bien malheureuse : la séparation de Dieu pour l'éternité. Ah ! M.F., est-il bien possible que nous ne voulions pas nous tourner du côté de notre bonheur qui est Dieu seul ! Quittons ce sujet, quoique si intéressant..... La charité fait toute la joie et la félicité des saints dans le ciel. Ah ! « beauté ancienne et toujours nouvelle, » quand est-ce que nous n'aimerons que vous ? Si maintenant je demandais à un enfant : Qu'est-ce que la charité par rapport au prochain ? Il me répondrait : La charité pour Dieu doit nous le faire aimer plus que nos biens, notre santé, notre réputation et notre vie même ; la charité que nous devons avoir pour notre prochain doit nous le faire aimer comme nous-mêmes, de sorte que, tout le bien que nous pouvons désirer pour nous nous devons le désirer pour notre prochain ; si nous voulons avoir cette charité sans laquelle il n'y a ni ciel, ni amitié de Dieu à espérer. Hélas ! que de sacrements fait profaner ce défaut de charité, et que d'âmes il conduit en enfer ! Mais que doit-on entendre par ce mot notre prochain ? Rien de plus facile à comprendre. Cette vertu s'étend à tout le monde, aussi bien à ceux qui nous ont fait du mal, qui ont nui à notre réputation, nous ont calomniés et qui nous ont fait quelque tort, même quand ils auraient cherché à nous ôter la vie. Nous devons les aimer comme nous-mêmes, et leur souhaiter tout le bien que nous pouvons nous désirer. Non seulement il nous est interdit de leur vouloir aucun mal, mais il faut leur rendre service toutes les fois qu'ils en ont besoin et que nous le pouvons. Nous devons nous réjouir quand ils réussissent dans leurs affaires, nous attrister quand ils éprouvent quelque disgrâce, quelque perte, prendre leur parti quand on en dit du mal, dire le bien que nous savons d'eux, ne point fuir leur compagnie, leur parler même de préférence à ceux qui nous ont rendu quelque service : voilà, M.F., comment le bon Dieu veut que nous aimions notre prochain. Si nous ne nous comportons pas de cette manière, nous pouvons dire que nous n'aimons ni notre prochain, ni le bon Dieu : nous ne sommes que de mauvais chrétiens, et nous serons damnés. Voyez, M.F., la conduite que tint Joseph envers ses frères qui avaient voulu le faire mourir, qui l'avaient jeté dans une citerne et qui l'avaient ensuite vendu à des marchands étrangers. Dieu lui restait seul pour consolateur. Mais comme le Seigneur n'abandonne pas ceux qui l'aiment, autant Joseph avait été humilié ; autant il fut élevé. Lorsqu'il fut devenu presque maître du royaume de Pharaon, ses frères, réduits à la plus grande misère, vinrent le trouver sans le connaître. Joseph voit venir à lui ceux qui avaient voulu lui ôter la vie, et qui l'auraient fait mourir si l'aîné ne les en eût détournés. Il a tous les pouvoirs de Pharaon entre les mains, il pourrait les faire prendre et les faire mourir. Rien ne pouvait l'en empêcher ; au contraire, il était même juste de punir des méchants. Mais que fait Joseph ?... la charité qu'il a dans le cœur lui a fait perdre le souvenir des mauvais traitements qu'il a reçus. Il ne pense qu'à les combler... il pleure de joie, il demande vite des nouvelles de son père et de ses autres frères ; il veut, pour mieux leur faire sentir la grandeur de sa charité ; qu'ils viennent tous auprès de lui pour toujours. Mais, me direz-vous, comment peut-on connaître si l'on a cette belle et précieuse vertu, sans laquelle notre religion n'est qu'un fantôme ? D'abord, M.F., une personne qui a la charité n'est point orgueilleuse, elle n'aime point à dominer sur les autres ; vous ne l'entendrez jamais blâmer leur conduite, elle n'aime point à parler de ce qu'ils font. Une personne qui a la charité n'examine point quelle est l'intention des autres dans leurs actions, elle ne croit jamais mieux faire qu'ils ne font ; et ne se met jamais au-dessus de son voisin ; au contraire, elle croit que les autres font toujours mieux qu'elle. Elle ne se fâche point si on lui préfère le prochain ; si on la méprise, elle n'en est pas moins contente, parce qu'elle pense qu'elle mérite plus de mépris encore. Une personne qui a la charité évite autant qu'elle peut de faire de la peine aux autres, parce que la charité est un manteau royal qui sait bien cacher les fautes de ses frères et ne laisse jamais croire qu'on est meilleur qu'eux. 2) Ceux qui ont la charité reçoivent avec patience ; et résignation à la volonté de Dieu, tous les accidents qui peuvent leur arriver, les maladies, les calamités, en pensant que tout cela nous rappelle que nous sommes pécheurs, et que notre vie n'est pas éternelle ici-bas. Dans leurs chagrins, dans leurs peines, dans leurs maladies ou dans les pertes de biens, vous les voyez toujours soumis à la volonté de Dieu, et jamais ils ne désespèrent, pensant qu'ils accomplissent cette divine volonté. Voyez le saint homme Job sur son fumier : n'est-il pas content ? Si vous me demandez pourquoi il ne se laisse pas aller au désespoir ? c'est qu'il a la charité dans l'âme, et qu'en se soumettant à la volonté de Dieu, il acquiert des mérites pour le ciel. Voyez encore le saint homme Tobie qui devint aveugle en ensevelissant les morts : il ne se désespère pas, et il est tranquille. Pourquoi encore cette tranquillité ? Il sait qu'il fait la volonté de Dieu et que dans cet état il le glorifie... En troisième lieu, je dis que celui-ci a la charité, qui n'est point avare et ne cherche nullement à amasser les biens de ce monde. Il travaille parce que le bon Dieu le veut, mais sans s'attacher à son travail ni au désir de thésauriser pour l'avenir ; il se repose avec confiance en la Providence qui n'abandonne jamais celui qui l'aimé. La charité régnant dans son cœur, toutes les choses de la terre ne lui sont plus rien ; il voit que tous ceux qui courent après les biens de ce monde sont les plus malheureux. Pour lui, il emploie autant qu'il le peut, son bien en bonnes œuvres pour racheter ses péchés et pour mériter le ciel. Il est charitable envers tout le monde et n'a de préférence pour personne ; tout le bien qu'il fait, il le fait au nom de Dieu, Il assiste le pauvre qui en a besoin, qu'il soit son ami ou son ennemi. Il imite saint François de Sales, qui, ne pouvant faire qu'une aumône, la remettait à celui dont il avait reçu quelque peine, plutôt qu'à celui dont il était l'obligé. La raison de cette conduite c'est que telle action est beaucoup plus agréable à Dieu. Si vous avez la charité, n'examinez jamais si ceux à qui vous donnez vous ont fait quelque tort, ou dit quelque injure ; s'ils sont sages on non. Ils vous demandent au nom de Dieu, donnez-leur de même. Voilà tout ce qu'il faut faire pour que vos aumônes soient rendues dignes d'être récompensées. Nous lisons dans la vie de saint Ignace, qu'un jour, étant pressé par quelque affaire, il refusa l'aumône à un pauvre Mais il courut bientôt après ce malheureux pour lui donner, et dès lors promit au bon Dieu de ne jamais refuser l'aumône, quand on la lui demanderait en son nom. Mais, pensez-vous, si l'on donne à tous les pauvres, on sera bientôt pauvre soi-même. Écoutez ce que le saint homme Tobie dit à son fils : « Ne retenez jamais le salaire des ouvriers, payez toujours le soir après qu'il ont travaillé ; et quant aux pauvres, donnez à tous si vous le pouvez. Si vous avez beaucoup, donnez beaucoup ; si vous avez peu, donnez peu ; mais donnez toujours de bon cœur ; parce que l'aumône rachète les péchés et éteint les flammes du purgatoire » D'ailleurs nous pouvons dire qu'une maison qui donne aux pauvres ne tombera jamais en ruine, parce que le bon Dieu ferait plutôt un miracle que de le permettre. Voyez saint Antoine qui vend tous ses biens pour les donner aux pauvres, et qui va dans un désert où il s'abandonne entièrement entre les mains de la Providence. Voyez un saint Paul, ermite, un saint Alexis, qui se dépouillent absolument de biens, pour mener une vie pauvre et méprisée. Voyez un saint Sérapion, qui, non seulement vend tous ses biens et ses vêtements, mais qui se vend encore pour racheter un captif. Combien nous sommes coupables lorsque nous ne faisons pas l'aumône, et que nous méprisons les pauvres, en les rebutant, en leur disant qu'ils sont des fainéants, qu'ils peuvent bien travailler !... M.F., faisons l'aumône autant que nous pouvons, parce que c'est la chose qui doit nous rassurer à l'heure de la mort, et si vous en doutez, lisez l'Évangile où Jésus-Christ nous parle du jugement : « J'ai eu faim, etc. » Voulez-vous laisser des enfants heureux et sages ? Donnez-leur l'exemple d'être aumônieux et charitables envers les pauvres, et vous verrez un jour que le bon Dieu les a bénis. C'est ce que comprenait sainte Blanche, disant : « Mon fils, nous serons toujours assez riches si nous aimons le bon Dieu, et si nous aimons à faire le bien à nos frères. » Si nous avons vraiment la charité, cette vertu si agréable à Dieu, nous ne nous comporterons pas comme les païens qui font du bien à ceux qui leur en font, ou de qui ils en espèrent ; mais nous ferons du bien au prochain, dans la, seule vue de plaire à Dieu et de racheter nos péchés. Qu'on nous soit reconnaissant ou non, qu'on nous fasse du bien ou du mal, qu'on nous méprise ou qu'on nous loue : cela, ne nous doit rien faire : Il y en a qui agissent tout humainement. Ont-ils fait une aumône, ont-ils rendu service à quelque personne, si elles n'usent pas de réciprocité, cela les fâche, et ils se reprochent d'avoir été simples. Que vous êtes… Ou vous avez fait vos bonnes œuvres pour le bon Dieu, ou vous les avez faites pour le monde. Si vous les avez faites pour être estimés et loués des hommes, vous avez raison de vouloir être payés de reconnaissance ; mais si vous les avez faites dans la seule vue de racheter vos péchés et de plaire à Dieu, pourquoi vous plaindre ? C'est de Dieu seul que vous en attendez la récompense. Vous devez bien plutôt remercier le bon Dieu de ce que l'on vous paie d'ingratitude, parce que votre récompense sera bien plus grande. Ah ! que nous sommes heureux ! parce que nous aurons donné quelque petite chose, le bon Dieu nous donne le ciel en retour ! Nos petites aumônes et nos petits services seront donc bien récompensés. Oui, M.F., préférons toujours faire du bien à ceux qui ne pourront jamais nous le rendre, parce que s'ils nous le rendent nous risquons d'en perdre le mérite. Voulez-vous savoir si vous avez la vraie charité ? En voici la marque : Voyez à qui vous préférez faire l'aumône ou rendre quelque service. Est-ce à ceux qui vous ont fait quelque peine,... ou à ceux qui vous sont unis, qui vous remercient ? Si c'est à ces derniers, vous n'avez pas la vertu de charité ; et vous n'avez point à espérer pour l'autre vie ; tout le mérite de ces bonnes actions est donc perdu. Je suis persuadé que si je voulais bien entrer dans le détail de tous les défauts dans lesquels on tombe sur ce point, je ne trouverais presque personne qui ait dans l'âme cette vertu toute pure et telle que Dieu la veut. Pour être récompensés dans tout ce que nous faisons pour le prochain, ne cherchons que Dieu, et n'agissons que pour lui seul. Que cette vertu est rare dans les chrétiens ! Disons mieux, il est aussi rare de la trouver qu'il est rare de trouver des saints. Et quoi d'étonnant ? Où sont ceux qui la demandent à Dieu, qui font quelques prières ou quelques bonnes œuvres pour l'obtenir ? Combien ont vingt ans et peut-être trente, et ne l'ont jamais demandée ? La preuve en est bien convaincante. L'ont-ils demandée ceux qui n'ont que des vues humaines ? Voyez vous-même quelle répugnance vous avez à faire, de suite, du bien à celui qui vient de vous faire quelque tort ou quelque injustice. Ne conservez-vous même pas une certaine haine ou, du moins, une certaine froideur à son égard ? A peine le saluez-vous, et consentez-vous à lui parler comme à une autre personne. Hélas ! ô mon Dieu ! que de chrétiens mènent une vie toute païenne, et se croient encore de bons chrétiens : Hélas ! combien vont être détrompés quand le bon Dieu leur fera voir ce qu'est la charité, les qualités qu'elle devait avoir pour rendre méritoires toutes leurs actions. 4) Il n'est pas nécessaire de vous montrer qu'une personne qui a la charité est exempte du vice infâme de l'impureté, parce qu'une personne qui a le bonheur d'avoir cette précieuse vertu dans l'âme, est tellement unie au bon Dieu, et agit si bien selon sa sainte volonté, que le démon de l'impureté ne peut point entrer dans son cœur. Le feu de l'amour divin embrase tellement ce cœur, son âme et tous ses sens, qu'il la met hors des atteintes du démon de l'impureté. Oui, M.F., nous pouvons dire que la charité rend une personne pure dans tous ses sens. O bonheur infini, qui te comprendra jamais !... 5) La charité n'est point envieuse : elle ne ressent point de tristesse du bien qui arrive au prochain, soit au spirituel, soit au temporel. Vous ne verrez jamais une personne qui a la charité, être fâchée de ce qu'une autre réussit mieux qu'elle, ou de ce qu'elle est plus aimée, plus estimée. Bien loin de s'affliger du bonheur de son prochain, elle en bénit le bon Dieu. – Mais, me direz-vous, je ne suis pas fâché de ce que mon prochain fait bien ses affaires, de ce qu'il est bien riche, bien heureux. Convenez cependant avec moi que vous seriez plus content que cela vous arrivât plutôt qu'à lui. – Cela est encore vrai. – Eh bien ! si cela est, vous n'avez pas la charité telle que le bon Dieu veut que vous l'ayez, comme il vous le commande, et pour lui plaire ..... 6) Celui qui a la charité n'est point sujet à la colère, car saint Paul nous dit que la charité est patiente, bonne, douce pour tout le monde. Voyez comme nous sommes loin d'avoir cette charité. Combien de fois pour un rien nous nous fâchons, nous murmurons, nous nous emportons, nous parlons avec hauteur, et nous restons en colère pendant plusieurs jours !... Mais, me direz-vous, c'est ma manière de parler ; je ne suis pas fâché après. – Dites donc plutôt que vous n'avez pas la charité, qui est patiente, douce, et que vous ne vous conduisez pas comme un bon chrétien. Dites-moi, si vous aviez la charité dans l'âme, est-ce que vous ne supporteriez pas avec patience, et même avec plaisir, une parole que l'on dira contre vous, une injure, ou si vous voulez, un petit tort que l'on vous aura fait, ? – Il attaque ma réputation. – Hélas ! mon ami, quelle bonne opinion voulez-vous qu'on ait de vous après que vous avez tant de fois mérité .... ? Ne devons-nous pas nous regarder comme trop heureux que l'on veuille bien nous souffrir parmi les créatures, après que nous avons traité si indignement le Créateur ?... Ah ! ! M.F., si nous avions cette charité, nous serions sur la terre presque comme les saints qui sont dans le ciel ! Qui donc sait d'où nous viennent tous ces chagrins que nous éprouvons, aussi bien les uns que les autres ; et pourquoi y en a-t-il tant dans le monde qui souffrent toutes sortes de misères ? Cela vient de ce que nous n'avons pas la charité. Oui, M.F. ; la charité est une vertu si belle, elle rend tout ce que nous faisons si agréable au bon Dieu, que les saints Pères ne savent de quels termes se servir pour nous en faire connaître toute la beauté et toute la valeur. Ils la comparent au soleil qui est le plus bel astre du firmament, et qui donne aux autres toute leur clarté et leur beauté. Comme lui, la vertu de charité communique à toutes les autres vertus leur beauté et leur pureté, et les rend méritoires et infiniment plus agréables à Dieu. Ils la comparent au feu qui est le plus noble et le plus actif, de tous les éléments. La charité est la vertu la plus noble et la plus active de toutes : elle porte l'homme à mépriser tout ce qui est vil, méprisable et de peu de durée, pour ne s'attacher qu'à Dieu seul et aux biens qui ne doivent jamais périr. Ils la comparent encore à l'or qui est le plus précieux de tous les métaux, et fait l'ornement et la beauté de tout ce que nous avons de riche sur la terre. La charité fait la beauté et l'ornement de toutes les autres vertus ; la moindre action de douceur ou d'humilité, faite avec la charité dans le cœur, est d'un prix qui surpasse tout ce que nous pouvons penser. Le bon Dieu nous dit dans l'Écriture sainte que son épouse lui avait blessé le cœur par un cheveu de son cou ; pour nous faire comprendre que la moindre bonne œuvre faite avec amour, avec la charité dans l'âme, lui est si agréable, qu'elle lui perce le cœur. La moindre action, quelque petite qu'elle soit, lui est toujours très agréable, puisqu'il n'y a rien de si petit que les cheveux de cou. O belle vertu ! que ceux qui vous possèdent sont heureux ; mais, hélas ! qu'ils sont rares !... Les saints la comparent encore à la rose qui est la plus belle de toutes les fleurs, et très odoriférante. De même, nous disent-ils, la charité est la plus belle de toutes les vertus ; son odeur monte jusqu'au trône de Dieu. Disons mieux, la charité nous est aussi nécessaire pour plaire à Dieu et pour rendre toutes nos actions méritoires, que notre âme est nécessaire à notre corps. Une personne qui n'a pas la charité dans le cœur est un corps sans âme. Oui, M.F., c'est la charité qui soutient la foi et qui la ranime ; sans la charité, elle est morte. L'espérance, comme la foi, n'est qu'une vertu languissante qui, sans la charité, ne durera pas longtemps.


II. – Comprenons-nous maintenant, M.F., la valeur de cette vertu et la nécessité de la posséder pour nous sauver. Ayons au moins le soin de la demander tous les jours à Dieu, puisque, sans elle, nous ne faisons rien pour notre salut. Nous pouvons dire que lorsque la charité entre dans un cœur, elle y mène avec elle toutes les autres vertus : c'est elle qui purifie et sanctifie toutes nos actions ; c'est elle qui perfectionne l'âme ; c'est elle qui rend toutes nos actions dignes du ciel. Saint Augustin nous dit que toutes les vertus sont dans la charité, et que la charité est dans toutes les vertus. C'est la charité, nous dit-il, qui conduit toutes nos actions à leur fin, et qui leur donne accès auprès de Dieu. Saint Paul, qui a été et qui est encore la lumière du monde, en fait tant de cas et tant d'estime, qu'il nous dit qu'elle surpasse tous les dons du ciel. Écrivant aux Corinthiens, il s'écrie : « Quand même je parlerais le langage des anges, si je n'ai pas la charité, je suis semblable à une cymbale qui retentit, et ne produit qu'un son. Quand j'au­rais le don de prophétie, et tant de foi que je pourrais transporter les montagnes d'un endroit à l'autre, si je n'ai pas la charité, je ne suis rien. Quand je donnerais tout mon bien aux pauvres et que je livrerais mon corps aux souffrances, tout cela ne servirait de rien si je n'ai pas la charité dans mon cœur, et si je n'aime pas mon prochain comme moi-même » Voyez-vous, M.F., la nécessité où nous sommes de demander au bon Dieu, de tout notre cœur, cette incomparable vertu, puisque toutes les vertus ne sont rien sans elle ? En voulez-vous un beau modèle ? Voyez Moïse : lorsque son frère Aaron et sa sœur Marie murmurèrent contre lui, le Seigneur les punit ; mais Moïse voyant sa sœur couverte d'une lèpre qui était la punition de sa révolte : O Seigneur ! lui dit-il, pourquoi punissez-vous ma sœur ? vous savez bien que je ne vous ai jamais demandé vengeance, pardonnez-lui, s'il vous plaît. Aussi le Saint-Esprit nous dit qu'il était le plus doux des hommes qui fussent alors sur la terre. Voilà, M.F., un frère qui a vraiment la charité dans le cœur, puisqu'il s'afflige de voir punir sa sœur. Dites-moi si nous voyions punir quelqu'un qui nous aurait fait quelque outrage, ferions-nous comme Moïse ? nous affligerions-nous, demanderions-nous au bon Dieu de ne pas le punir ?... Hélas ! qu'ils sont rares, ceux qui ont dans l'âme cette charité de Moïse ! Mais, me direz-vous, quand on nous fait des choses que nous ne méritons pas, il est bien difficile d'en aimer les auteurs. – Difficile, M.F. ?... voyez saint Etienne. Pendant qu'on l'assomme à coups de pierres, il lève les mains et prie Dieu de pardonner à ces bourreaux qui lui ôtent la vie, le péché qu'ils commettent. – Mais, pensez-vous, saint Étienne était un saint. C'était un saint, M.F. ? mais si nous ne sommes des saints, c'est un grand malheur pour nous : il faut que nous le devenions ; et aussi longtemps que nous n'aurons la charité dans le cœur, nous ne deviendrons jamais des saints. Que de péchés, M.F., l'on commet contre l'amour de Dieu et du prochain ! Désirez-vous savoir combien souvent nous péchons contre l'amour que nous devons à Dieu ? L'aimons-nous de tout notre cœur ? Ne lui avons-nous pas souvent préféré nos parents, nos amis ? Pour aller les voir, sans qu'il y eût nécessité, n'avons-nous pas souvent manqué les offices, les vêpres, le catéchisme, la prière du soir ? Combien de fois n'avez-vous pas fait manquer la prière à vos enfants dans la crainte de leur faire perdre quelques minutes ? hélas ! pour aller paître nos troupeaux dans les champs ! ... Mon Dieu ! quelle indigne préférence !... Combien de fois n'avons-nous pas manqué nous-mêmes nos prières ; ou les avons-nous faites dans notre lit, en nous habillant, ou en marchant ? Avons-nous eu soin de rapporter toutes nos actions au bon Dieu, toutes nos pensées, tous nos désirs ? Nous sommes-nous consacrés à lui dès l'âge de raison, et lui avons-nous bien donné tout ce que nous avions ? Saint Thomas nous dit que les pères et mères doivent avoir un grand soin de consacrer leurs enfants au bon Dieu, dès l'âge le plus tendre, et que, ordinairement, les enfants qui sont consacrés au bon Dieu par leurs parents, reçoivent une grâce et une bénédiction toutes particulières, qu'ils ne recevraient pas sans cela. Il nous dit que si les mères avaient bien à cœur le salut de leurs enfants, elles les donneraient au bon Dieu avant qu'ils vinssent au monde. Nous disons que ceux qui ont la charité reçoivent avec patience et résignation à la volonté de Dieu, tous les accidents qui peuvent leur arriver, les maladies, les calamités, en pensant que tout cela nous rappelle que nous sommes pécheurs, et que notre vie n'est pas éternelle ici-bas. Nous péchons encore contre l'amour de Dieu, quand nous restons trop longtemps sans penser à Lui. Combien, hélas ! passent un quart et même la moitié du jour sans faire une élévation de leur cœur vers Dieu, pour le remercier de tous ses bienfaits, surtout de les avoir faits chrétiens, de les avoir fait naître dans le sein de son Église, de les avoir préservés d'être morts dans le péché. L'avons-nous remercié de tous les sacrements qu'il a établis pour notre sanctification, de notre vocation à la foi ? L'avons-nous remercié de tout ce qu'il a opéré pour notre salut, de son incarnation, de sa mort et passion ? N'avons-nous pas eu de l'indifférence pour le service de Dieu en négligeant soit de fréquenter les sacrements, soit de nous corriger, soit d'avoir souvent recours à la prière ? N'avons-nous pas négligé de nous instruire de la manière de nous comporter pour plaire à Dieu ? Lorsque nous avons vu quelqu'un blasphémer le saint nom de Dieu, ou commettre d'autres péchés, n'avons-nous pas été indifférents, comme si cela ne nous regardait pas ? N'avons-nous pas prié sans goût, sans dessein de plaire à Dieu ; plutôt pour nous débarrasser, que pour attirer ses miséricordes sur nous, et nourrir notre pauvre âme ? N'avons-nous point passé le saint jour de dimanche en nous contentant de la messe, des vêpres ; sans faire aucune autre prière, ni visite au Saint-Sacrement, ni lecture spirituelle ? Avons-nous été affligés lorsque nous avons été obligés de manquer les offices ? Avons-nous tâché d'y suppléer par toutes les prières que nous avons pu ?... Avez-vous fait manquer les offices à vos enfants, à vos domestiques sans des raisons graves ?... Avons-nous bien combattu toutes ces pensées de haine, de vengeance et d'impureté ? Pour aimer le bon Dieu, M.F., il ne suffit pas de dire qu'on l'aime, il faut, pour bien s'assurer si cela est vrai, voir si nous observons bien ses commandements, et si nous les faisons bien observer à ceux dont nous avons la responsabilité devant le bon Dieu. Écoutez Notre-Seigneur : « En vérité, je vous dis que ce n'est pas celui qui dira : Seigneur, Seigneur, qui entrera dans le royaume des cieux ; mais celui qui fera la volonté de Mon Père. » Nous aimons le bon Dieu, quand nous ne cherchons qu'à lui plaire dans tout ce que nous faisons. Il ne faut désirer ni la vie, ni la mort ; toutefois, l'on peut désirer la mort pour avoir le bonheur d'aller vers le bon Dieu. Saint Ignace avait un si grand désir de voir Dieu, que, quand il pensait à la mort, il en pleurait de joie. Cependant dans l'attente de ce grand bonheur, il disait à Dieu, qu'il resterait autant qu'il voudrait sur la terre. Il avait tant à cœur le salut des âmes, qu'un jour ne pouvant convertir un pécheur endurci, il alla se plonger, jusqu'au cou, dans un étang glacé afin d'obtenir de Dieu la conversion de ce malheureux. Comme il allait à Paris, un de ses écoliers lui prit en route tout l'argent qu'il avait. Cet écolier étant tombé malade à Rouen, ce bon saint fit le voyage de Paris à cette ville, à pied et sans souliers, pour demander la guérison de celui qui lui avait pris tout son argent. Dites-moi, M.F., est-ce là une charité parfaite ? Vous pensez en vous-mêmes que ce serait déjà beaucoup de pardonner. Vous feriez la même chose, si vous aviez la même charité que ce bon saint. Si nous trouvons si peu de personnes qui feraient cela, M.F., c'est qu'il en est très peu qui ont la charité dans l'âme. Qu'il est consolant que nous puissions aimer Dieu et le prochain sans être savant, ni riche ! Nous avons un cœur, il suffit pour cet amour. Nous lisons dans l'histoire, que deux solitaires demandaient à Dieu depuis longtemps, qu'il voulût bien leur apprendre la manière de l'aimer et de le servir comme il faut, puisqu'ils n'avaient quitté le monde que pour cela. Ils entendirent une voix qui leur dit d'aller dans la ville d'Alexandrie où demeuraient un homme, nommé Euchariste, et sa femme qui s'appelait Marie. Ceux-là servaient le bon Dieu plus parfaitement que les solitaires, et leur apprendraient comment il doit être aimé. Très heureux de cette réponse, les deux solitaires se rendent en toute hâte dans la ville d'Alexandrie. Étant arrivés, ils s'informent, pendant plusieurs jours, sans pouvoir trouver ces deux saints personnages. Craignant que cette voix ne les ait trompés, ils prenaient le parti de retourner dans leur désert, quand ils aperçurent une femme sur la porte de sa maison. Ils lui demandèrent, si elle ne connaîtrait pas par hasard un homme nommé Euchariste. – C'est mon mari, leur dit-elle. – Vous vous appelez donc Marie, lui dirent les solitaires ? – Qui vous a appris mon nom ? – Nous l'avons appris, avec celui de votre mari, par une voix surnaturelle, et nous venons ici pour vous parler. Le mari arriva, sur le soir, conduisant un petit troupeau de moutons. Les solitaires coururent aussitôt l'embrasser, et le prièrent de lui dire quel était son genre de vie. – Hélas ! mes pères ; je ne suis qu'un pauvre berger. – Ce n'est pas ce que nous vous demandons, lui dirent les solitaires ; dites-nous comment vous vivez et de quelle manière, vous et votre femme, servez le bon Dieu. – Mes pères, c'est bien à vous de me dire ce qu'il faut faire pour servir le bon Dieu ; je ne suis qu'un pauvre ignorant. N'importe ! nous sommes venus de la part de Dieu vous demander comment vous le servez. – Puisque vous me le commandez, je vais vous le dire. J'ai eu le bonheur d'avoir une mère craignant Dieu, qui, dès mon enfance, m'a recommandé de tout faire et de tout souffrir pour l'amour de Dieu. Je souffrais les petites corrections que l'on me faisait pour l'amour de Dieu ; je rapportais tout à Dieu : le matin, je me levais, je faisais mes prières et tout mon travail pour son amour. Pour son amour, je prends mon repos et mes repas ; je souffre la faim, la soif, le froid et la chaleur, les maladies et toutes les autres misères. Je n'ai point d'enfants ; j'ai vécu avec ma femme comme avec ma sœur, et toujours dans une grande paix. Voilà toute ma vie et c'est aussi celle de ma femme. – Les solitaires, ravis de voir des âmes si agréables à Dieu, lui demandèrent s'il avait du bien. – J'ai peu de bien, mais ce petit troupeau de moutons que mon père m'a laissés me suffit, j'en ai de reste. Je fais trois parts de mon petit revenu : j'en donne une partie à l'église, une autre aux pauvres, et le reste nous fait vivre ma femme et moi. Je me nourris pauvrement ; mais jamais je ne me plains : je souffre tout cela pour l'amour de Dieu. – Avez-vous des ennemis, lui dirent les solitaires ? – Hélas, mes pères, quel est celui qui n'en a point ? Je tâche de leur faire tout le bien que je peux, je cherche à leur faire plaisir en toute circonstance, et je m'applique à ne faire de mal à personne. A ces paroles, les deux solitaires furent comblés de joie d'avoir trouvé un moyen si facile de plaire à Dieu et d'arriver à la haute perfection. Vous voyez, M.F., que pour aimer le bon Dieu et le prochain il n'est pas nécessaire d'être bien savant, ni bien riche ; il suffit de ne chercher qu'à plaire à Dieu, dans tout ce que nous faisons ; de faire du bien à tout le monde, aux mauvais comme aux bons, à ceux qui déchirent notre réputation, comme à ceux qui nous aiment, et, qui…. Prenons Jésus-Christ pour notre mo­dèle, nous verrons ce qu'il a fait pour tous les hommes et particulièrement pour ses bourreaux. Voyez comme il demande pardon, miséricorde pour eux ; il les aime, il offre pour eux les mérites de sa mort et passion ; il leur promet le pardon. Si nous n'avons pas cette vertu de charité, nous n'avons rien ; nous ne sommes que des fantômes de chrétiens. Ou nous aimerons tout le monde, même nos plus grands ennemis, ou nous serons réprouvés. Ah ! M.F., puisque cette belle vertu vient du ciel, adressons-nous donc au ciel pour la demander, et nous sommes sûrs de l'obtenir. Si nous possédons la charité, tout en nous plaira au bon Dieu, et par là nous nous assurerons le paradis. C'est le bonheur que je vous souhaite.

 



24/12/2008
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