Pour le jour de la Fête Dieu

 Pour le jour de la Fête-Dieu


Je suis comme un étranger sur la terre. (
Ps. CXVIII, !9.)


Ces paroles, M.F., nous montrent toutes les misères de la vie, le mépris que nous devons faire des choses créées et périssables, et le désir que nous devons res­sentir d'en sortir pour aller dans notre véritable patrie, puisque ce monde n'est pas la nôtre. Cependant, M.F., consolons-nous dans notre exil ; nous y avons un Dieu, un ami, un consolateur et un rédempteur, qui peut adoucir nos peines, qui, de ce lieu de misères, nous fait envisager de grands biens ; ce qui doit nous porter à nous écrier, comme l'Épouse des Cantiques : « Avez-vous vu mon bien-aimé ? et si vous l'avez vu, ah ! dites-lui bien que je ne fais plus que lan­guir. » « Ah ! jusques à quand, Seigneur, s'écrie le saint Roi-Prophète dans ses transports d'amour et de ravissement, ah ! jusques à quand prolongerez-vous mon exil séparé de vous ? » Oui, M.F., plus heureux que ces saints de l'Ancien Testament, non seulement nous possédons Dieu par la grandeur de son immensité, qui se trouve partout ; mais encore nous l'avons tel qu'il fut pendant neuf mois dans le sein de Marie, tel que sur la croix. Encore plus heureux que les premiers chré­tiens, qui faisaient cinquante ou soixante lieues pour avoir le bonheur de le voir, oui, M.F., chaque paroisse le possède, chaque paroisse peut jouir autant qu'elle le veut, de sa douce compagnie. O nation heureuse ! Quel est mon dessein ? le voici. C'est de vous montrer combien Dieu est bon dans l'institution du sacrement adorable de l'Eucharistie, et les grands avantages que nous en pouvons tirer.


I. – Je dis que ce qui fait le bonheur d'un bon chré­tien, fait le malheur d'un pécheur. En voulez-vous la preuve ? la voici. Oui, M.F., pour un pécheur, qui ne veut pas sortir du péché, la présence de Dieu devient son supplice : il voudrait pouvoir effacer la pensée que Dieu le voit et le jugera ; il se cache, il fuit la lumière du soleil, il s'enfonce dans les ténèbres, il a en horreur tout ce qui peut lui en donner la pensée ; un ministre de Dieu lui fait ombrage, il le hait, il le fuit ; chaque fois qu'il pense qu'il a une âme immortelle, qu'un Dieu la récompensera ou la punira pendant une éternité, selon ce qu'elle aura fait : tout cela lui est un bourreau qui le dévore sans cesse. Ah ! triste existence, que celle d'un pécheur qui vit dans son péché ! En vain, mon ami, vou­dras-tu te cacher de la présence de Dieu, tu ne le pour­ras jamais ! « Adam, Adam, où es-tu ? » – « Ah ! Seigneur, s'écrie-t-il, j'ai péché, et j'ai craint votre présence. » Adam, tout tremblant, court se cacher, et c'est précisé­ment dans le moment où il croyait que Dieu ne le voyait pas, que sa voix se fait entendre : « Adam, tu me trouveras partout ; tu as péché, et j'ai été témoin de ton crime ; et mes yeux étaient arrêtés sur toi. » « Caïn, Caïn, où est ton frère ? » Caïn, entendant la voix du Sei­gneur, fuit comme un désespéré. Mais Dieu le poursuit l'épée aux reins : « Caïn, le sang de ton frère crie ven­geance. » Oh ! qu'il est donc bien vrai qu'un pécheur est dans une frayeur et un désespoir continuels. Pécheur, qu'as-tu fait ? Dieu te punira. – Non, non, s'écrie-t-il, Dieu ne m'a pas vu, « il n'y a point de Dieu ». – Ah ! mal­heureux, Dieu te voit et te punira. De là, je conclus qu'un pécheur a beau vouloir se rassurer, effacer ses péchés, fuir la présence de Dieu et se procurer tout ce que son cœur peut désirer, il ne sera que malheureux ; partout il traînera ses chaînes et son enfer. Ah ! triste existence ! Non, M.F., n'allons pas plus loin, cette pensée est trop désespérante, ce langage ne nous convient nullement aujourd'hui ; laissons ces pauvres malheureux dans les ténèbres, puisqu'ils veulent bien y rester ; laissons-les se damner, puisqu'ils ne veulent pas se sauver. « Venez, mes enfants, disait le saint roi David, venez, j'ai de grandes choses à vous annoncer ; venez, et je vous dirai combien le Seigneur est bon pour ceux qui l'ai­ment. Il a préparé à ses enfants une nourriture céleste qui porte des fruits pour la vie. Partout nous le trouve­rons, notre Dieu ; si nous allons dans le ciel, il y sera ; si nous passons les mers, nous le verrons à côté de nous ; si nous nous enfonçons dans le chaos de la mer, il nous accompagnera. » Non, non, notre Dieu ne nous perd pas plus de vue qu'une mère ne perd de vue son enfant qui commence à remuer le pied. « Abraham, dit le Seigneur, marche en ma présence, et tu la trouveras partout. » – « Mon Dieu ! s'écrie Moïse, montrez-moi, s'il vous plaît, votre face ; j'aurai tout ce que je peux désirer. » Ah ! qu'un chrétien est consolé, par cette heureuse pensée, qu'un Dieu le voit, est témoin de ses peines et de ses combats, qu'un Dieu est à ses côtés. Ah ! disons mieux, M.F., un Dieu le presse tendrement contre son sein ! Ah ! nation des chrétiens, que tu es heureuse de jouir de tant d'avantages que tant d'autres nations n'ont pas ! Ah ! n'avais-je pas raison de vous dire que, si la présence de Dieu est un tyran pour le pécheur, cette même présence est un bonheur infini, un ciel anticipé pour un bon chrétien. Oui, M.F., tout cela est bien beau, c'est vrai ; mais c'est encore peu de chose, si j'ose le dire, en comparai­son de l'amour que Jésus-Christ nous porte dans le sacrement adorable de l'Eucharistie. Si je parlais à des incrédules ou à des impies, qui osent douter de la pré­sence de Jésus-Christ dans ce sacrement adorable, je commencerais par leur donner des preuves si claires et si convaincantes, qu'ils mourraient de honte d'avoir douté d'un mystère appuyé sur des raisons si fortes et si convaincantes ; je leur dirais : si Jésus-Christ est véri­table, ce mystère l'est aussi, puisque, ayant pris du pain en présence de ses apôtres, il leur dit : « Voici du pain, eh bien ! je vais le changer en mon corps ; voici du vin, je vais le changer en mon sang ; ce corps est vraiment le même que celui qui sera crucifié et ce sang est le même que celui qui sera répandu pour la rémission des péchés ; et chaque fois que vous prononcerez ces mêmes paroles, dit-il encore à ses apôtres, vous ferez le même miracle ; ce pouvoir, vous vous le communiquerez les uns aux autres jusqu'à la fin des siècles » Mais ici laissons ces preuves de côté, ce raisonnement est inutile à des chrétiens, qui ont tant de fois goûté les dou­ceurs que Dieu leur communique dans le sacrement d'amour. Saint Bernard nous dit qu'il y a trois mystères aux­quels il ne peut penser sans sentir son cœur mourir d'amour et de douleur. Le premier est celui de l'Incar­nation, le deuxième est celui de la mort et passion de Jésus-Christ, et le troisième est celui du sacrement adorable de l'Eucharistie. Quand l'Esprit-Saint nous parle du mystère de l'Incarnation, il emploie des termes qui nous mettent dans l'impossibilité de pouvoir com­prendre jusqu'où va l'amour de Dieu pour nous, en nous disant : « C'est ainsi que Dieu aime le monde, » comme s'il nous disait : je laisse à votre esprit, à votre imagination la liberté de former telles idées que vous voudrez ; quand vous auriez toutes les sciences des pro­phètes, toutes les lumières des docteurs et toutes les connaissances des anges, il vous serait impossible de comprendre l'amour que Jésus-Christ a eu pour vous dans ces mystères. Quand saint Paul nous parle des mystères de la Passion de Jésus-Christ, voici comment il s'explique : « Quoique Dieu soit infini en miséricorde et en grâce, il semble s'être épuisé pour l'amour de nous. Nous étions morts, il nous a donné la vie. Nous étions des­tinés à être malheureux pendant toute l'éternité, et par sa bonté et sa miséricorde, il a changé notre sort » Enfin, quand saint Jean nous parle de la charité que Jésus-Christ a eue pour nous en instituant le sacrement adorable de l'Eucharistie, il nous dit « qu'il nous a aimés jusqu'à la fin. » c'est-à-dire, qu'il a aimé l'homme, pendant toute sa vie, d'un amour sans égal. Disons mieux, M.F., il nous aime autant qu'il pouvait nous aimer. O amour, que tu es grand et peu connu ! Quoi ! mon ami, nous n'aimerions pas un Dieu qui a soupiré pendant toute l'éternité pour notre bonheur ! Un Dieu !... Ah ! un Dieu, qui a tant pleuré nos péchés, et qui est mort pour les effacer ! Un Dieu, qui a bien voulu quitter les anges du ciel où il est aimé d'un amour si pur et si parfait, pour venir dans ce monde, quoiqu'il sût très bien combien il serait méprisé. Il savait d'avance les profanations qu'il recevrait dans ce sacrement d'a­mour. Il savait que les uns le recevraient sans contri­tion ; les autres, sans désir de se corriger : hélas ! d'au­tres peut-être, avec le crime dans leur cœur, et le fe­raient mourir. Mais, non, tout cela n'a pas pu arrêter son amour. O heureuse nation que celle des chrétiens !... « O ville de Sion, réjouissez-vous, faites éclater votre joie, s'écrie le Seigneur par la bouche du prophète Isaïe, parce que votre Dieu habite au milieu de vous. » Oui M.F., ce que le prophète Isaïe disait à son peuple, je peux encore vous le dire, ce semble, avec plus de vérité. Chrétiens, réjouissez-vous ! votre Dieu va paraître au milieu de vous. Oui, M.F., ce tendre Sauveur va visiter vos places, vos rues et vos maisons ; partout il va répan­dre ses bénédictions les plus abondantes. O heureuses maisons, devant lesquelles il va passer ! O heureux che­mins, qui soutiendront ses pas saints et sacrés ! Pouvons­-nous, M.F., nous empêcher de dire en nous-mêmes lors­que nous repasserons dans cette même route : Voilà où mon Dieu a passé, voilà le sentier qu'il a pris lorsqu'il répandait ses bénédictions bienfaisantes dans cette pa­roisse. Oh ! que ce jour est consolant pour nous, M.F. ! Ah ! s'il est permis de goûter quelques consolations dans ce monde, n'est-ce pas dans ce moment heureux ? Oui, M.F., oublions, s'il est possible, toutes les misères. Cette terre étrangère va devenir vraiment l'image de la céleste Jérusalem, les fêtes et les joies du ciel vont des­cendre sur la terre. Ah ! « si ma langue peut oublier ces bienfaits, qu'elle s'attache à mon palais » !... Ah ! si mes yeux doivent encore porter leurs regards sur des choses terrestres, que le ciel leur refuse la lumière ! Oui, M.F., si nous considérons tout ce que Dieu a fait : le ciel et la terre, ce bel ordre qui règne dans ce vaste univers, tout nous annonce une puissance infinie qui a tout créé, une sagesse admirable qui gouverne tout, une bonté suprême qui pourvoit à tout avec la même facilité que si elle n'était occupée qu'à un seul être : tant de prodiges ne peuvent que nous remplir d'étonne­ment et d'admiration. Mais, si nous parlons du sacre­ment adorable de l'Eucharistie, nous pouvons dire que c'est ici le prodige de l'amour d'un Dieu pour nous ; c'est ici que sa puissance, sa grâce et sa bonté éclatent d'une manière tout extraordinaire. Nous pouvons dire avec beaucoup de vérité, que c'est ici le pain descendu du ciel, le pain des anges, qui nous est donné pour nourriture de nos âmes. C'est ce pain des forts qui nous console et adoucit nos peines. C'est là vraiment « le pain des voyageurs » ; disons mieux, M.F., c'est la clef qui nous a ouvert le ciel. « Celui, dit le Sauveur, qui me recevra aura la vie éternelle ; celui qui ne me recevra pas, mourra. Celui, dit le Sauveur, qui aura recours à ce banquet sacré fera naître en lui une source qui rejaillira jusqu'à la vie éternelle. » Mais pour mieux connaître l'excellence de ce don, il faut examiner jusqu'à quel point Jésus-Christ a porté son amour pour nous dans ce sacrement. Non, M.F., ce n'est pas assez pour le Fils de Dieu de s'être fait homme pour nous ; il fallut, pour contenter son amour, qu'il se donnât à chacun de nous en particulier. Voyez, M.F., combien il nous aime. Dans le même moment que ses pauvres enfants prenaient les mesures pour le faire mourir, son amour le porte à faire un miracle, afin de rester parmi eux. A-t-on vu, peut-on voir un amour plus généreux et plus libéral que celui qu'il nous témoigne dans le sacrement de son amour ? Ne pouvons-nous pas dire, comme le Concile de Trente, que c'est là que sa libéralité et sa générosité ont épuisé toutes ses richesses ? Peut-on, en effet, trouver quelque chose sur la terre, et même dans le ciel, qui puisse lui être comparé ? A-t-on vu quelquefois la tendresse d'un père, la libéralité d'un roi pour ses sujets, aller si loin que celle de Jésus-Christ dans le sacrement de nos autels ! Nous voyons que les parents, dans leur testament, donnent leurs biens à leurs enfants ; mais dans le testament que Jésus-Christ nous fait, ce ne sont pas des biens temporels, puisque nous les avons..., mais il nous donne son Corps adorable et son Sang précieux. Oh ! bonheur du chrétien, que tu es peu goûté ! Non, M.F., il ne pouvait pas porter plus loin son amour qu'en se donnant ; puisqu'en le recevant, nous le recevons avec toutes ses richesses. N'est-ce pas là une véritable prodigalité d'un Dieu pour ses créatures ? Oui, M.F., si Dieu nous avait donné la liberté de lui deman­der tout ce que nous voudrions, aurions-nous osé porter si loin nos espérances ? « D'un autre côté, Dieu lui-même, tout Dieu qu'il est, pouvait-il trouver quelque chose de plus précieux à nous donner ? » nous dit saint Augustin. Savez-vous encore, M.F., ce qui porta Jésus-Christ à consentir à rester nuit et jour dans nos églises ? Hélas ! M.F., c'est pour que, chaque fois que nous voudrions le voir, nous puissions le trouver. Ah ! tendresse de père, que tu es grande ! Quoi, M.F., de plus consolant pour un chrétien qui sent qu'il adore un Dieu présent en corps et en âme ! « Ah ! Seigneur, s'écrie le Roi-Prophète, qu'un jour passé auprès de vous est préférable à mille passés dans les assemblées du monde ! » Qu'est-ce qui rend nos églises si saintes et si respecta­bles ? N'est-ce pas la présence de Jésus-Christ ? Ah ! heureuse nation que celle des chrétiens !


II. – Mais, me direz-vous, que devons-nous faire pour témoigner à Jésus-Christ notre respect et notre recon­naissance ? – Le voici, M.F. : 1° Nous ne paraîtrons devant lui qu'avec le plus grand respect, et nous le suivrons avec une joie toute céleste, en nous représentant le grand jour de cette procession qui se fera après le jugement général. Oui, M.F., il nous suffit pour nous pénétrer du respect le plus profond, de nous rappeler que nous sommes des pécheurs, qui sommes indignes de suivre un Dieu si saint et si pur. C'est un bon père que nous avons tant de fois méprisé et outragé, qui nous aime encore, et qui nous dit qu'il est prêt à nous accorder notre grâce. Que fait Jésus-Christ, M.F., lorsque nous le portons en procession ? le voici. Il est comme un bon roi au milieu de ses sujets, comme un bon père environné de ses enfants, et enfin, comme un bon pasteur qui visite ses troupeaux. Quelle est la pensée, M.F., que nous devons avoir en marchant à la suite de notre Dieu ? la voici. Nous devons le suivre comme les premiers fidèles qui le suivaient lorsqu'il était sur la terre, faisant du bien à tout ce monde. Oui, si nous avons le bonheur de l'accompagner avec une foi vive, nous sommes sûrs d'obtenir tout ce que nous lui demanderons. Nous lisons dans l'Évangile, que deux aveugles, s'étant trouvés sur le chemin où le Sauveur passait, se mirent à crier : « O Jésus ! fils de David, ayez pitié de nous ! » Les voyant, il en fut touché de compassion, leur demanda ce qu'ils voulaient. « Ah ! Seigneur, lui dirent-ils, faites, s'il vous plaît, que nous voyions. » « Eh ! bien, voyez, » leur dit ce bon Sauveur. Un grand pécheur, nommé Zachée, désirant le voir, monte sur un arbre ; mais Jésus-Christ, qui n'était venu que pour sauver les pécheurs, lui cria : « Zachée, descendez, car c'est chez vous que je veux aller loger aujourd'hui. » Chez vous ! c'est comme s'il lui avait dit : Zachée, depuis longtemps la porte de votre cour est fermée par votre orgueil et vos injustices ; ouvrez-moi aujour­d'hui, je viens vous donner votre pardon. A l'instant même, Zachée descend, s'humilie profondément devant son Dieu, répare toutes ses injustices, et ne veut plus que la pauvreté et la souffrance pour partage. O Heu­reux moment, qui lui a valu une éternité de bonheur ! Un autre jour que le Sauveur passait par une autre rue, une pauvre femme, affligée depuis douze ans d'une perte de sang, le suivait. « Ah ! se disait-elle en elle-même, ah ! si j'avais le bonheur de toucher seulement le bord de la frange de son habit, je suis sûre que je serais guérie. » Pleine de confiance, elle court se jeter aux pieds du Sauveur : à l'instant même, elle fut délivrée. Oui, M.F., si nous avions la même foi, la même con­fiance, nous obtiendrions la même grâce ; parce que c'est le même Dieu, le même Sauveur et le même père, animé de la même charité. « Venez, disait le Prophète, venez, Seigneur, sortez de vos tabernacles, montrez-vous à votre peuple qui vous désire et vous aime. » Hélas ! M.F., que de malades à guérir ; que d'aveugles, à qui il faudrait rendre la vue ! Que de chrétiens, qui vont suivre Jésus-Christ, et dont les pauvres âmes seront toutes couvertes de plaies ! Que de chrétiens qui sont dans les ténèbres, et qui ne voient pas qu'ils sont prêts à tomber en enfer ! Mon Dieu ! guérissez les uns et éclairez les autres ! Pauvres âmes, que vous êtes mal­heureuses ! Saint Paul nous dit qu'étant à Athènes il trouva écrit sur un autel : « Ici réside le Dieu inconnu, ou du moins, oublié. » Mais, hélas ! M.F., je pourrais bien vous dire le contraire : je viens vous annoncer un Dieu que vous savez être votre Dieu, et que vous n'adorez pas et que vous méprisez. Hélas ! combien de chrétiens qui, ces saints jours de dimanche, sont embarrassés de leur temps ; qui ne daignent pas seulement venir, quelques petits moments, visiter leur Sauveur qui brûle du désir de les voir auprès de lui, pour leur dire qu'il les aime, et qu'il veut les combler de bienfaits. Oh ! quelle honte pour nous !... Arrive-t-il quelque nou­veauté ? l'on quitte tout, et l'on court. Pour Dieu, nous ne faisons que le mépriser et nous le fuyons ; le temps nous dure en sa sainte présence, tout ce que nous fai­sons, est toujours long. Ah ! quelle différence entre les premiers fidèles et nous ! ils regardaient comme le plus heureux temps de leur vie lorsqu'ils avaient le bonheur de passer des jours et des nuits entières dans les églises à chanter les louanges du Seigneur, ou à pleurer leurs péchés ; mais aujourd'hui ce n'est plus de même. Il est délaissé, il est abandonné de nous, il y en a même qui le méprisent ; pour la plupart, nous paraissons dans nos églises, ces lieux sacrés, sans respect, sans amour de Dieu, sans savoir même ce que nous venons y faire. Les uns laissent occuper leur esprit et leur cœur de mille choses terrestres, et peut-être même criminelles ; les autres y sont avec ennui et dégoût ; il y en a d'autres qui à peine se mettent à genoux, tandis qu'un Dieu répand son sang précieux pour leur pardon ; enfin d'au­tres, à peine laisseront-ils descendre le prêtre de l'autel, qu'ils fuient déjà. Mon Dieu, que vos enfants vous aiment peu ou plutôt qu'ils vous méprisent ! En effet, M.F., quel esprit de légèreté et de dissipation ne faites­-vous pas paraître, lorsque vous êtes dans l'église ? les uns dorment, les autres parlent, et presque personne n'est occupé à ce qu'il doit faire. 2° Je dis, M.F., que tous les hommes n'étant faits que pour Dieu, comblés sans cesse de ses bienfaits les plus abondants, nous devons tous lui témoigner notre reconnaissance, et nous affliger de le voir tant outragé. Nous devons faire comme un ami qui s'attriste sur les malheurs de son ami : c'est par là qu'il lui montre une amitié sincère. Cependant, M.F., quelques services que cet ami lui ait pu rendre, il ne fera jamais ce que Dieu a fait pour nous. – Mais, direz-vous, qui sont ceux qui doi­vent, ce semble, porter un amour plus grand et plus ardent à la vue des outrages que Jésus-Christ va rece­voir de la part des mauvais chrétiens ? – Il est vrai que tout le monde doit s'affliger des mépris que l'on fait de lui, et tâcher de le dédommager ; mais il y en a quel­ques-uns parmi les chrétiens qui y sont tenus d'une manière toute particulière, les voici : ce sont ceux qui ont le bonheur d'être de la confrérie du Saint-Sacrement. Je dis : « Qui ont le bonheur. » Ah ! peut-on en trouver un plus grand que d'être choisis pour faire réparation à Jésus-Christ, pour les outrages qu'il reçoit, dans le sacre­ment de son amour ! Mais ne vous y trompez pas, M.F., vous, comme confrères, vous êtes obligés de mener une vie bien plus parfaite que le commun des chrétiens. Vos péchés sont beaucoup plus sensibles à Jésus-Christ. Non, M.F., il ne suffit pas d'avoir un cierge à la main, pour montrer que nous sommes de ceux que Dieu a choisis ; mais il faut que notre vie nous distingue, comme notre cierge nous distingue de ceux qui n'en ont point. Pourquoi, M.F., ces cierges qui brillent ? sinon, parce que votre vie doit être un modèle de vertu, que vous vous faites gloire d'être de véritables enfants de Dieu, et que vous êtes prêts à donner votre vie pour soutenir les intérêts de votre Dieu, à qui vous vous êtes voués pour toute la vie. Oui, M.F., s'empresser à parer les églises et les reposoirs : toutes ces marques exté­rieures sont bien bonnes et louables ; mais ce n'est pas assez. Les Bethsamites, lorsque l'arche du Seigneur passa sur leur terre, montrèrent le plus grand empres­sement et le zèle le plus ardent : dès qu'ils l'aperçurent, tout le peuple sortit en foule pour lui aller au-devant ; tous s'empressèrent de couper du bois pour faire les sacrifices. Cependant cinquante mille furent frappés de mort, parce que leur respect n'avait pas été assez grand. Oh ! M.F., que cet exemple doit nous faire trembler ! Que renfermait cette arche, M.F. ? Hélas ! un peu de manne, les tables de la Loi ; et parce que ceux qui s'en approchent ne sont pas assez pénétrés de sa pré­sence, le Seigneur les frappe de mort. Mais, dites-moi, qui est celui qui, réfléchissant tant soit peu sur la pré­sence de Jésus-Christ, ne serait pas saisi de crainte ? Combien, M.F., qui sont assez malheureux d'assister à la compagnie du Sauveur, avec un cœur tout de péchés. Ah ! malheureux, tu auras beau fléchir les genoux, tandis qu'un Dieu se lève pour bénir son peuple, ses regards perçants ne laisseront pas que de voir les hor­reurs qui se passent dans ton cœur. Mais si notre âme est bien pure, représentons-nous à la suite de Jésus-Christ comme d'un grand roi qui sort de sa ville capitale, pour recevoir les hommages de ses sujets et les combler de bienfaits. Nous lisons dans l'Évangile que les deux disciples d'Emmaüs marchaient avec le Sauveur sans le connaî­tre ; lorsqu'ils le reconnurent, il disparut. Tout ravis de leur bonheur, ils se disaient l'un à l'autre : » Comment est-ce que nous ne l'avons pas connu ? N'est-il pas vrai que nos cœurs se sentaient tout enflammés d'amour, lorsqu'il nous parlait en nous expliquant la sainte Écri­ture ? » Mille fois plus heureux, M.F., que ces disci­ples, qui marchaient avec Jésus-Christ sans le connaître, pour nous, nous savons que c'est notre Dieu et notre Sauveur qui marche devant nous ; qui va parler au fond de notre cœur, qui va y faire naître un nombre infini de bonnes pensées, de bonnes inspirations. « Mon fils, va-t­-il dire, pourquoi ne veux-tu pas m'aimer ? Pourquoi ne pas quitter ce maudit péché qui met un mur de sépa­ration entre nous deux ? Ah ! mon fils, peux-tu bien m'abandonner ! faudra-t-il bien que tu me forces à te condamner à des supplices éternels ! Mon fils, voilà ton pardon, veux-tu te repentir ? » Mais que lui dit le pé­cheur : « Non, non, Seigneur, j'aime mieux vivre sous la tyrannie du démon et être réprouvé que de vous deman­der pardon. » Mais, me direz-vous, nous ne disons pas cela au bon Dieu. – Et moi, je vous dis que vous le dites continuel­lement, chaque fois que Dieu vous donne la pensée de vous convertir. Ah ! malheureux, viendra un jour que tu demanderas ce que tu refuses aujourd'hui, et qui peut-­être ne te sera pas accordé. Il est bien certain, M.F., que si nous avions le bonheur de tant de saints à qui Dieu se faisait voir, comme à une sainte Thérèse, tantôt comme un enfant dans sa crèche, tantôt comme sur la croix, nous aurions sans doute bien plus de respect et d'amour pour lui ; mais nous ne le méritons pas, et nous nous croirions déjà des saints, ce qui nous serait un sujet d'orgueil. Mais, quoique le bon Dieu ne nous accorde pas cette grâce, il n'est pas moins présent, et prêt à nous accorder tout ce que nous demanderons. Il est rapporté dans l'histoire qu'un prêtre doutant de cette vérité, après avoir prononcé les paroles de la con­sécration : « Comment, se disait-il en lui-même, est-il possible que les paroles d'un homme fassent un si grand miracle ? » Mais Jésus-Christ, pour lui reprocher son peu de foi, fit que la sainte Hostie sua du sang avec tant d'abondance, que l'on fut obligé de le ramasser avec une cuillère. Écoutez ce que nous dit le même auteur : que le feu s'étant mis dans une chapelle, tout le bâtiment brilla et fut détruit, et la sainte Hostie resta suspendue en l'air, sans être appuyée sur rien ; le prê­tre étant venu pour la recevoir dans un vase, de suite elle descendit dedans. Nous voyons dans l'histoire ecclésiastique que la domestique d'un Juif, par pure complaisance à son maître, lui apporta la sainte Hostie. Après qu'elle l'eut reçue dans la bouche, cette malheureuse la prend, la met dans son mouchoir et la donne à son maître. Ce monstre, ravi de joie d'avoir Jésus-Christ en son pou­voir, comme autrefois ses pères lorsqu'ils le crucifiè­rent sur la croix, se livra à tout ce que la fureur put lui inspirer. Or, il semble que Jésus-Christ voulut lui montrer combien il était sensible aux outrages qu'il lui faisait. Ce malheureux ayant mis la sainte Hostie sur une table, lui donna plusieurs coups de canif ; elle fut toute couverte de sang : ce qui fit frémir sa femme et ses enfants, qui étaient présents à ce spectacle si affreux. Il la reprend, la suspend à un clou et lui donne quantité de coups de fouet et de lance ; le sang sortait avec autant d'abondance que la première fois. Il la reprend, pour la troisième fois, la jette dans une chau­dière d'eau bouillante. Aussitôt l'eau fut changée en sang ; et, dans ce même moment, Jésus-Christ reprend la forme qu'il avait sur l'arbre de la croix. En cet état, il semble que Jésus-Christ voulait essayer s'il pouvait le toucher. Mais ce malheureux, semblable à Judas, regarde son crime comme trop grand, et désespérant de son pardon, il fut condamné à être brûlé vif. Non, M.F., nous ne pouvons entendre ces horreurs sans frémir. Hélas ! que de chrétiens qui le traitent encore plus cruellement ! Mais, me direz-vous, comment est-ce que l'on pourrait se comporter de cette manière ? – Hélas ! mon ami, plaise à Dieu que ce malheur ne vous arrive jamais ! Toutes les fois que vous consentez au péché : une pensée d'orgueil le foule sous les pieds et lui donne la mort ; une pensée d'impureté lui percera le cœur. Hélas ! représentons-nous dans cette procession le Sau­veur comme allant au Calvaire : les uns lui donnaient des coups de pieds, les autres le chargeaient d'injures et de blasphèmes..., quelques saintes âmes seulement le suivaient en pleurant et mêlaient leurs larmes avec son sang précieux dont il arrosait le pavé. Oh ! que de Juifs et de bourreaux vont suivre Jésus-Christ, et qui ne se contenteront pas seulement de le faire mourir une fois, mais sur autant de calvaires que de cœurs ! Ah ! est-il bien possible qu'un Dieu qui nous aime tant soit si méprisé et maltraité ! Oui, M.F., si nous aimions bien le bon Dieu, nous nous ferions une joie et un bonheur de venir, tous les dimanches, passer quelques instants pour l'adorer, pour lui demander la grâce de nous pardonner : nous regarderions ces moments comme les plus beaux de notre vie. Ah ! que les instants passés avec ce Dieu de bonté sont doux et consolants ! Êtes-vous dans le cha­grin ? venez un instant vous jeter à ses pieds et vous vous sentirez tout consolé. Êtes-vous méprisé du monde ? venez ici, et vous trouverez un bon ami qui ne vous manquera jamais de fidélité. Êtes-vous tenté ? oh ! c'est ici que vous allez trouver des armes fortes et ter­ribles pour vaincre votre ennemi. Craignez-vous le jugement formidable qui a fait trembler les plus grands saints ? profitez du temps que votre Dieu est le Dieu de miséricorde, et qu'il est si aisé d'en avoir votre grâce. Êtes-vous opprimé par la pauvreté ? venez ici, vous y trouverez un Dieu infiniment riche et qui vous dira que tous ses biens sont à vous, non dans ce monde, mais dans l'autre : C'est là que je te prépare des biens infi­nis ; va, méprise ces biens périssables, et tu en auras qui ne périront jamais. Voulons-nous commencer à goûter le bonheur des saints ? venons ici et nous en éprouverons les heureux commencements. Ah ! qu'il fait bon, M.F., jouir des chastes embrasse­ments du Sauveur ! Ah ! vous ne les avez jamais goû­tés ! Si vous aviez eu ce bonheur, vous ne pourriez plus en sortir. Ne soyons plus étonnés de ce que tant de saintes âmes ont passé leur vie dans sa maison et le jour et la nuit ; elles ne pouvaient plus se séparer de sa présence. Nous lisons dans l'histoire, qu'un saint prêtre trou­vait tant de douceurs et de consolations dans nos églises, qu'il couchait sur le marchepied de l'autel pour avoir le bonheur, en s'éveillant, de se trouver auprès de son Dieu ; et Dieu, pour le récompenser, permit qu'il mourût au pied de l'autel. Voyez saint Louis, qui, dans ses voyages, au lieu de passer la nuit dans un lit, la passait au pied des autels, auprès de la douce pré­sence de son Sauveur. Pourquoi est-ce, M.F., que nous avons tant d'indifférence et de dégoût lorsqu'il faut venir ici ? Hélas ! M.F., c'est que nous n'avons jamais ressenti ces heureux moments. Que devons-nous conclure de tout cela ? le voici. C'est de regarder comme le moment le plus heureux de notre vie celui où nous pouvons tenir compagnie à un si bon ami. Marchons à sa suite avec un saint tremblement ; comme pécheur, demandons-lui avec larmes et douleur le pardon de nos péchés et nous sommes sûrs de l'ob­tenir... Étant réconciliés, sollicitons le don précieux de la persévérance. Ah ! disons-lui bien que si nous devons encore l'offenser, nous aimons bien mieux mou­rir. Non, M.F., tant que vous n'aimerez pas votre Dieu, vous ne serez jamais contents : tout vous accablera, tout vous ennuiera, et dès que vous l'aimerez, vous passerez une vie heureuse ; vous attendrez la mort !... Ah ! cette heureuse mort, qui nous va réunir à notre Dieu !... Ah ! bonheur ! quand viendras-tu !... Que ce temps est long !,.. Ah ! viens ! tu nous procureras le plus grand de tous les biens, qui est la possession de Dieu même !... Ce que...

 



24/12/2008
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