Les Sermons du Saint Curé d'Ars
Sermons de saint Jean Marie Vianney,
le Saint Curé d'Ars
Tome premier
Du Ier Dimanche de l'Avent au Vendredi Saint
Publiés par les soins de Mr le Chanoine Etienne Delaroche, Archiprêtre d'Ainay à Lyon, Docteur en théologie et du R.P. Dom Marie-Auguste Delaroche, Chanoine régulier de l'Immaculée Conception
Nouvelle édition, augmentée de plusieurs sermons inédits
Imprimatur
Lugduni, die 8 septembris 1893.
J. Déchelette, Vic Gen.
Approbation de l'Archevêché de Lyon
Lyon, le 26 septembre1893.
Monsieur et cher Archiprêtre,
Comment ne pas applaudir à votre pensée de donner une nouvelle édition des sermons du Saint Curé d'Ars ? Cette œuvre continue l'apostolat d'un prêtre dont les vertus ont jeté un vif éclat dans la seconde moitié de ce siècle et qui demeure l'honneur du diocèse de Lyon. Je vous remercie de me procurer l'occasion de placer sous la protection de ce prêtre vénéré les prémices de ma nouvelle mission. Mon désir, en bénissant votre dessein, est de voir cet ouvrage entre les mains de tous mes prêtres ; et je demande à Notre-Seigneur d'embraser nos cœurs de l'amour et du dévouement qui animaient le Saint serviteur de Dieu. Je vous prie d'agréer, Monsieur et cher Archiprêtre, l'expression de mes sentiments affectueux et dévoués en N.-S.
Pierre, Arch. de Lyon et de Vienne.
Approbation de la Première édition
Archevêché de Lyon
Nous approuvons bien volontiers le dessein qu'ont formé des ecclésiastiques de Lyon, de livrer à l'impression le manuscrit des Sermons du Saint serviteur de Dieu, J.-B.-M. Vianney, curé d'Ars. Cette publication servira à mieux faire connaître le prêtre admirable qui est une des gloires de notre diocèse, et dont la cause de béatification est soumise au jugement de la sainte Église.
Lyon, 20 août 1882. L. M. Card. CAVEROT, Archevêque de Lyon.
Lettres episcopales
Lettre de S. Ém. le cardinal Guibert, Archevêque de Paris
Paris, le 4 mars 1883.
Monsieur l'Archiprêtre,
Je vous remercie de la bonté que vous avez eue de m'envoyer un exemplaire des Sermons du Saint Curé d'Ars, que vous avez recueillis et fait imprimer. J'en ai lu quelques uns avec édification ; je dirai volontiers avec admiration. Nous sommes accoutumés à admirer la charité, la bonté, le zèle infatigable de ce saint pasteur, sans cesse à la recherche des brebis égarées et les ramenant au bercail. Mais on n'a jamais parlé de son éloquence. Assurément, ce n'était pas un orateur, comme Bourdaloue ou Massillon ; mais les instructions qu'il adressait à son peuple sont très solides, pleines de la doctrine chrétienne, et il est à désirer que tous les prêtres des paroisses préparassent leurs instructions avec le même soin que ce saint prêtre y apportait. Votre publication, à ce point de vue, est très utile, parce qu'elle présente au clergé un exemple à suivre dans l'exercice du ministère de la parole. Agréez, Monsieur l'Archiprêtre, avec mes sincères remerciements, l'assurance de mes sentiments affectueux et dévoués.
J.-Hipp. Gard. GUIBERT, Arch. de Paris.
Lettre de S. Ém. le cardinal Langénieux, archevêque de Reims
Reims, le 18 août 1883
Monsieur le Curé,
Nous avons lu les Sermons du Saint Monsieur Vianney, que vous avez eu la bonne pensée de publier, et nous joignons volontiers notre approbation à celle que vous avez déjà reçue de son Éminence le Cardinal-Archevêque de Lyon. Comme vous le faites judicieusement remarquer, ce qu'il faut rechercher dans les instructions du saint prêtre, ce n'est pas ce que l'apôtre saint Paul appelle « la rhétorique de la sagesse humaine », mais l'exactitude et la solidité de la doctrine et « cette éloquence vive, ardente, passionnée que les saints savent puiser à la source intarissable du cœur de Jésus. » Instruire et édifier les âmes, c'est là, en effet, le véritable apostolat, et c'est aussi le but que le Vén. Curé d'Ars poursuivait dans la chaire chrétienne. Jusqu'à quel point il a réussi, et quel bien il a fait dans son humble paroisse et aux auditeurs étrangers qu'attirait le renom de sa sainteté, nous l'avions appris déjà par la lecture de son admirable vie ; ses écrits, que vous avez révisés avec un soin si intelligent et si scrupuleux, achèveront de nous initier aux œuvres et aux succès d'un ministère qui a opéré tant de merveilles. Aussi, Monsieur le Curé, nous estimons qu'en offrant au clergé et en particulier à tous ces vénérables prêtres qui consument silencieusement leur vie dans de pauvres cures de campagne, les exemples et les leçons pratiques d'un tel maître dans l'art de convertir et de sanctifier les âmes, vous avez rendu à l'Église un éminent service, qui mérite les bénédictions de Dieu et nos sincères félicitations. Veuillez en agréer l'expression, Monsieur le Curé, et croyez-moi votre tout dévoué en N.-S.
Benoît-Marie, Arch. de Reims.
Lettre de S. Ém. le cardinal Mermillod, évêque de Lausanne et Genève
Fribourg, le 3 décembre 1883, en la fête de saint François Xavier
Monsieur l'Abbé,
Votre publication des Sermons du Saint Curé d'Ars a mérité les suffrages d'éminents évêques ; je suis heureux de vous offrir à leur suite mes remerciements et mes félicitations. Jusqu'ici les prêtres et les fidèles lisaient avec admiration les faits héroïques, les labeurs et les succès de cette vie épuisée au service de Notre-Seigneur ; vos volumes révèlent la puissance de parole de ce grand serviteur de Dieu et font comprendre ce que la piété, la prière et l'étude lui ont donné de force et d'onction apostoliques. Les qualités que réclamait saint Bernard y éclatent : Lucere et ardere multum est ; la doctrine sûre et substantielle, la clarté lumineuse de l'exposition, s'y allient aux flammes qu'inspire l'amour des âmes et du Sauveur. Le clergé, les jeunes prêtres surtout, trouveront là un modèle de prédication pastorale et populaire. Sans préjuger en rien les décisions du Saint-Siège sur le Saint Monsieur Vianney, nous osons dire en toute simplicité que ses sermons, où abondent le sens théologique et le feu de l'amour divin, ont leur place marquée près des écrits de saint Vincent de Paul et de saint Alphonse Liguori. Recevez, Monsieur l'Abbé, l'assurance de mes sentiments reconnaissants et dévoués en N.-S.
Gaspard, Évêque de Lausanne et Genève
Lettre de Mgr Besson, évêque de Nîmes
Nîmes, le 8 novembre 1881
Monsieur l'Abbé,
J'ai beaucoup tardé à vous remercier de l'envoi que vous avez bien voulu me faire des Sermons du Saint Serviteur de Dieu, J.-B. Vianney, curé d'Ars ; mais, laissez-moi vous le dire, avant de vous répondre, je tenais à me rendre compte d'un livre dont le titre et la publication ont été pour moi une surprise. Monsieur le comte de Montalembert, faisant connaître au R. P. Chocarne son avis sur la Vie intime et religieuse du R. P. Lacordaire, lui écrivait : « Vous m'avez montré tout un côté de la vie du grand Religieux que j'ignorais ou que j'entrevoyais à peine... Vous m'avez révélé en lui un homme plus rare, plus grand, plus saint que je ne le croyais. » Je vous l'avouerai aussi, Monsieur l'Abbé, le livre que vous éditez a été pour moi une révélation ; il m'a même étonné, et je suis certain que beaucoup d'autres esprits partageront mon étonnement. Jusqu'ici, M. Vianney s'était présenté à ma vénération environné de l'auréole de la sainteté ; je savais encore, par la vie du R. P. Monnin, qu'il avait été un incomparable catéchiste ; mais je n'avais pas et n'aurais pas soupçonné en lui le prédicateur, l'auteur de tous ces sermons que vous publiez et dont cependant la collection est encore incomplète. Je vous remercie, Monsieur l'Abbé, d'avoir ajouté ce nouveau fleuron à la couronne du saint Curé, qui n'appartient pas seulement au diocèse de Belley, mais qui a encore été la gloire la plus pure du clergé français pendant la première moitié de ce siècle. Grâce à vos travaux et à vos persévérants efforts, il est désormais avéré que le Saint à qui beaucoup de personnes avaient presque entièrement refusé les dons naturels, qui se vit même sur le point d'être éloigné du sacerdoce pour défaut d'incapacité, a su néanmoins, par le travail, faire fructifier le modeste talent que Dieu lui avait confié. Il est désormais avéré que les lumières extraordinaires et surnaturelles n'expliquent pas seules la puissance de son action et de son influence ; avant de devenir entre les mains de Dieu l'instrument des plus grandes merveilles, le bon et saint Curé avait suivi la loi ordinaire ; il avait dû se préparer, et de fait il s'est préparé par l'étude aussi bien que par la prière au rôle admirable que lui réservait la Providence. Quel grand exemple donné au clergé de notre temps ! Comme vous le dites fort bien, Monsieur l'Abbé, le Saint Curé d'Ars n'avait à sa disposition que les ressources d'un esprit très peu cultivé ; mais ces ressources, il les développe, il les féconde par un travail opiniâtre ; il emploie avec une scrupuleuse. fidélité tous les moments libres des premières années de son ministère ; il compose ses prônes au prix de peines et de fatigues inouïes, il y consacre les jours et parfois les nuits, il écrit « sept heures de suite sans désemparer », dit son biographe, le R.-P. Monnin. Il va aussi puiser la parole de Dieu dans les sources les plus pures, la sainte Écriture, la Théologie élémentaire, la Vie des Saints, la vie des Pères du désert, l'histoire de l'Église, la Perfection chrétienne de Rodriguez, et à tous ces matériaux que lui fournit une étude consciencieuse, il ajoute ses observations personnelles sur les besoins du temps et les tendances des esprits, sur les nécessités de ses paroissiens, sur les moyens qu'il juge les plus opportuns pour combattre le mal et inculquer peu à peu dans les âmes les habitudes de la vie chrétienne. Il réfléchit, il écrit, il parle, il agit sous l'impulsion d'un zèle vraiment surnaturel qui n'a pas d'autre but que la gloire de Dieu et le salut des âmes. Voilà comment le Saint J.-B. Vianney acquiert assez de facilité pour composer ce catéchisme et ces sermons dont les fruits devaient être féconds. Puisse l'exemple du saint Curé rencontrer beaucoup d'imitateurs ! Puisse la leçon qui se dégage de vos quatre volumes, profiter à tant de prêtres, à tant de jeunes ecclésiastiques naturellement mieux doués que notre Saint et qui, comme lui, trouveraient dans un travail constant, méthodique, inspiré par la piété et soutenu par le zèle, le secret d'un ministère béni et fructueux ! Ah ! si, depuis soixante ans, nous avions eu dans toutes les paroisses des divers diocèses de France, je ne dis pas autant de curés d'Ars (il n'est pas donné à tous de s'élever à ce degré de sainteté), mais seulement de bons catéchistes, des prédicateurs utiles et pratiques, nous n'aurions pas à gémir aujourd'hui sur les progrès toujours croissants de l'impiété, ou de l'ignorance et de l'indifférence en matière de religion. Je vous remercie encore une fois, Monsieur l'Abbé ; en faisant sortir ces sermons de l'oubli, peut-être du feu auquel l'humilité du Saint curé d'Ars aurait voulu les condamner, vous n'avez pas seulement honoré sa mémoire, vous avez aussi rendu un important service au clergé qui y trouvera un modèle à suivre, aux fidèles qui les liront avec le plus grand fruit. Je forme donc les vœux les plus ardents pour que cet ouvrage se propage, se répande ; et, en ce qui me concerne, je ne négligerai aucune occasion de le recommander aux prêtres de mon diocèse, parce qu'ils y trouveront la bonne prédication, l'éloquence vraiment utile, la seule qu'il soit permis aux ministres sacrés de rechercher et d'ambitionner. Recevez, Monsieur l'Abbé, l'assurance de mes sentiments les plus affectueux et religieusement dévoués en N.-S.
Louis, Évêque de Nîmes.
Lettre de Mgr de Cabrières, évêque de Montpellier
Montpellier, le 16 décembre 1883
Monsieur le Curé,
Je vous remercie de l'envoi que vous avez bien voulu me faire des Sermons, du Saint Curé d'Ars. En collectionnant et publiant les instructions de ce saint prêtre, dont la vie a été remplie par un apostolat d'une admirable fécondité, et dont le nom rappelle le souvenir des plus hautes vertus sacerdotales, vous avez fait une œuvre utile et pieuse. Si les sermons que vous avez rassemblés pour l'édification de vos confrères et des âmes chrétiennes, paraissent manquer de certaines qualités de style que les délicats recherchent habituellement, on y rencontre à chaque page l'accent de la piété la plus vive, de la foi la plus profonde, et la claire exposition des hautes vérités religieuses. Dédaignant les ressources de l'art, le zélé prédicateur n'a fait appel qu'au secours de la grâce. C'est par là qu'il a fait tant de conversions. En lisant ses sermons apostoliques, peut-être apprendra-t-on à l'imiter. Vous aurez ainsi contribué, Monsieur le Curé, à continuer et à perpétuer la mission bienfaisante du zélé serviteur de Dieu. Veuillez agréer, Monsieur le Curé, et faire agréer à Monsieur votre frère, l'expression de mes sentiments tout dévoués et bien respectueux.
Marie-Anatole, Évêque de Montpellier
Lettre de Mgr Guiol, recteur des Facultés catholiques de Lyon
Lyon, le 1er décembre 1882
Mon cher ami,
J'ai lu avec le plus vif intérêt, plusieurs sermons du saint Curé d'Ars, pris çà et là dans les quatre volumes que vous avez eu l'extrême bonté de m'offrir. Je ne veux pas tarder davantage à vous dire combien j'ai été édifié de cette lecture. C'est le langage d'un saint. Ces pages sont pleines de piété et d'onction. Il s'y trouve même bien plus de doctrine qu'on n'aurait osé en attendre de ce Saint prêtre, auquel on avait presque fait une réputation d'ignorance, sans doute pour mieux faire ressortir l'éminence des dons surnaturels qui brillaient en lui et qui rendaient sa parole si féconde. Ses sermons écrits n'auront certainement pas le charme incomparable que leur donnait l'accent de sa voix, lorsqu'il les prêchait du haut de sa chaire ; mais, autant qu'il m'est permis d'en juger, j'estime que la lecture n'en sera pas moins très profitable à tous ceux, prêtres ou fidèles, qui la feront avec une pieuse attention. Veuillez agréer, cher Ami, la nouvelle assurance de mon bien affectueux dévouement en N.-S.
L. Guiol
Lettre de M. Icard, supérieur général de la Société de Saint-Sulpice
Paris, le 1er novembre 1882
Monsieur le Curé, Et bien cher en Notre-Seigneur,
Je vous suis très reconnaissant, ainsi qu'à Monsieur votre frère, de l'envoi que vous avez eu la bonté de me faire des Sermons du Saint Curé d'Ars. Vous avez eu une heureuse et sainte pensée, en livrant ce travail. Les prêtres employés au saint ministère n'y trouveront pas sans doute des pages de littérature, mais ils y trouveront un langage simple, pieux, très pratique, avec les accents de la foi et de l'amour des âmes. J'ai déjà lu deux de ces sermons pour la fête de tous les Saints, que nous célébrons aujourd'hui, et j'en ai été bien édifié. Veuillez agréer, Messieurs et bien chers Confrères, l'expression de mes meilleurs sentiments d'estime et d'affectueux dévouement.
H. Icard
Lettre de Monsieur le chanoine Toccanier, curé d'Ars
Ars, le 26 novembre 1882
Cher confrère,
J'ai reçu hier soir les quatre volumes des Sermons du Saint Vianney, que votre générosité m'a adressés. Veuillez agréer ma vive reconnaissance. Vous comprenez l'intérêt tout particulier que doit m'inspirer la lecture de ces sermons, que mon saint curé a prêchés à Ars. Je m'efforcerai d'en profiter pour la gloire de Dieu, de notre saint curé et de sa paroisse. Monseigneur s'occupe activement de la cause de béatification c'est le motif pour lequel il nous donne l'exemple d'une excessive réserve au sujet du Saint Vianney. Daignez agréer avec ma reconnaissance mon affectueux dévouement en Notre-Seigneur.
L'abbé Toccanier
Préface
L'accueil fait par le public aux Sermons du Saint Curé d'Ars, les bienveillants suffrages que leur ont accordés d'Éminents Prélats nous engagent à en donner une seconde édition. Celle-ci vient à propos, ce nous semble, au moment où, grâce au zèle de Sa Grandeur Monseigneur l'Évêque de Belley, la Sacrée Congrégation des Rites achève l'examen des écrits du Serviteur de Dieu. D'après le témoignage d'un de ses confidents, feu Monsieur Dubois, curé de Fareins, la plupart de ces sermons furent composés pendant les premières années de son ministère, entre 1818 et 1827, avant les grands travaux suscités par la foule des pèlerins qui venaient le visiter. Quelles furent les sources habituelles où il puisa ? Si nous en jugeons par les notes marginales écrites de la main du Saint, et par l'étude attentive de ses manuscrits, il consulta principalement l'Écriture sainte, une Théologie élémentaire, la Vie des Saints de Ribadeneyra, la Vie des Pères du désert, quelques abrégés des Saints Pères, l'Histoire de l'Église, la Perfection chrétienne de Rodriguez et les Œuvres du P. Lejeune. « M. Vianney, dit son biographe, le R. P. Monnin, écrivit longtemps ses prônes du Dimanche, il a avoué que ce travail lui causait des peines et des fatigues inouïes. Ce fut une des plus rudes mortifications de sa vie. Il les composait tout d'une haleine, y employait les nuits, renfermé dans sa sacristie, et écrivait quelquefois sept heures de suite sans désemparer. » Mais comme il était plus préoccupé d'instruire et d'édifier ses ouailles que de produire une œuvre littéraire, il revoyait peu ses sermons. Son humilité ne lui permettait pas de penser qu'un jour ils seraient admirés et livrés à la publicité. D'ailleurs, il n'eût jamais consenti à les faire imprimer de son vivant, sans les avoir auparavant soumis à une sévère correction, et sans les avoir déférés au jugement doctrinal de l'Église. Il l'avait déclaré avec une extrême vivacité à un prêtre de ses amis, dans un moment où l'on cherchait à lui soustraire quelques sermons, pour les répandre dans le public. Jamais non plus ils n'eussent paru au jour sans des encouragements venus de haut. C'est donc pour répondre tout à la fois, et à ces intentions et à ces encouragements, qu'un modeste travail a été entrepris sur ces manuscrits. L'orthographe et la ponctuation ont été réformées, les idiotismes ont été conservés, ainsi que certains barbarismes dont le Saint Curé se servait familièrement, afin de rendre sa pensée avec plus d'énergie. Un grand nombre de phrases étaient incomplètes, mal construites, et, partant inintelligibles ; on a redressé la construction ou introduit quelques mots indispensables. Certains passages obscurs, douteux ou inexacts ont été éclaircis par des notes. Bref, on s'est fait scrupule de ne modifier en rien la pensée de l'auteur. La collection n’est malheureusement pas complète ; un grand nombre ont été perdus ou détruits. S'ils nous étaient tous parvenus, deux volumes de plus augmenteraient cette publication, et permettraient d'admirer davantage le travail long et opiniâtre auquel s'était condamné sans relâche et sans dégoût le serviteur de Dieu. Mais tels qu'ils sont présentés ici, ils attesteront suffisamment la profonde connaissance que le saint Curé avait de ses paroissiens, le soin religieux qu'il mettait à les instruire, la liberté apostolique avec laquelle il flagellait leurs désordres, cette éloquence vive, ardente, passionnée, que les saints savent puiser à la source intarissable du Cœur de Jésus. Ils auront ainsi l'avantage de faire connaître le Saint sous un jour nouveau. Jusqu'à présent, beaucoup de gens, amateurs outrés du merveilleux, lui avaient refusé presque totalement les dons naturels, pour lui attribuer dans un degré suréminent les dons surnaturels. Sans doute, les grâces extraordinaires lui furent départies, sur la fin de sa vie, avec une souveraine abondance ; mais n'est-ce pas à cause de sa prudence à faire fructifier le modeste talent que Dieu lui avait confié ? Tout d'abord, il avait employé avec une fidélité jalouse, les temps libres des premières années de son ministère ; il avait exercé les ressources d'un esprit, qui était peu cultivé encore, mais qui ne manquait ni de pénétration, ni de mémoire, ni d'observation. Au prix d'un travail infatigable, il avait acquis la vraie science du pasteur des âmes ; Dieu l'en récompensa plus tard par des dons supérieurs, quand la foule toujours croissante des pèlerins, ne lui laissa plus le loisir d'étudier et d'écrire. La Providence qui avait voulu rétablir le diocèse de Belley, en avait préparé de longue main les éléments fondateurs. Ce furent de savants et pieux évêques dont la mémoire est restée bénie par le clergé comme par les populations. Ce fut aussi une phalange de prêtres humbles, laborieux et zélés. Au premier rang brilla le Saint Curé d'Ars, et nul mieux que lui, ne justifia la parole de l'Écriture « Les lèvres du prêtre garderont la science du salut, et de sa bouche on recueillera les enseignements du Seigneur. »
Saint-Antoine (Isère), le 4 août 1893, 34ème anniversaire de la mort du Saint Serviteur de Dieu.