Sur le jugement particulier

 8ème dimanche après la Pentecôte

Sur le jugement particulier


Rendez-moi compte de votre administration. (S.Luc, xvi, 2.)


Pouvons-nous bien, M.F., réfléchir sur la sévérité du jugement de Dieu, sans nous sentir pénétrés de la crainte la plus vive ? Quoi ! M.F., les jours de notre vie sont tous comptés ; plus encore, nous ignorons l'heure et le moment où notre souverain Juge doit nous citer devant son tribunal, et ce moment sera peut-être celui auquel nous pensons le moins, où nous serons le moins disposés à rendre ce compte redoutable !... Je vous assure, M.F., que, quand on y pense bien, il y aurait de quoi jeter dans le désespoir, si la religion ne nous enseignait pas que nous pouvons adoucir ce moment par une vie qui soit toujours dans le cas de nous assurer l'espérance que le bon Dieu aura pitié de nous. Prenons bien garde, M.F., de ne pas nous trouver embarrassés quand ce moment viendra, comme cet éco­nome dont Jésus-Christ nous parle dans l'Évangile. Je vais donc, M.F., vous montrer 1° qu'il y a un jugement particulier, où nous rendrons un compte très exact de tout le bien et de tout le mal que nous aurons fait ; 2° quels sont les moyens que nous devons prendre pour prévenir la rigueur de ce compte.


I. – Nous savons tous, M.F., que nous serons jugés deux fois : une fois, au grand jour des vengeances, c'est­-à-dire, à la fin du monde, en présence de tout l'univers, où toutes nos actions, bonnes ou mauvaises, seront manifestées aux yeux de tout le monde. Mais, avant ce jour terrible et malheureux pour les pécheurs, nous en aurons subi un, au moment, où nous mourrons, et dès que nous aurons rendu le dernier soupir. Oui, M.F., toute la condition de l'homme est renfermée dans ces trois mots : vivre, mourir et être jugé. C'est une loi fixe et invariable pour tous les hommes. Nous naissons pour mourir, nous mourrons pour être jugés, et ce juge­ment décidera de notre bonheur ou de notre malheur éternel. Le jugement universel auquel nous devons tous paraître, ne sera que la publication de la sentence parti­culière qui aura été prononcée à l'heure de notre mort. Vous savez tous, M.F., que Dieu a compté nos années ; et, dans ce nombre d'années qu'il a résolu de nous accorder, il en a marqué une qui sera la der­nière pour nous ; dans cette dernière année, un dernier mois ; dans ce dernier mois, un dernier jour ; et enfin, dans ce dernier jour, une dernière heure, après laquelle, il n'y aura plus de temps pour nous. Hélas ! que devien­dront ce pécheur et cet impie qui se promettent toujours une plus longue vie ? Qu'ils comptent, ces pauvres mal­heureux, tant qu'il leur plaira ; après cette dernière heure, il n'y aura plus de retour, plus d'espérance et plus de ressource ! Au même instant, M.F., écoutez-le bien, vous qui ne craignez pas de passer vos jours dans le péché, voyez au même instant que votre âme sortira de votre corps, elle sera jugée. – Mais, me direz-vous, nous le savons bien. – Oui, mais vous ne le croyez pas. Dites-moi, si vous le croyiez sérieusement, comment pourriez-vous rester dans un état qui vous met dans le cas de tomber en enfer continuellement ? Non, non, mon ami, vous ne le croyez pas ; parce que si vous le croyiez bien, vous ne vous exposeriez pas à un si grand malheur. Cepen­dant, le moment viendra où le bon Dieu appliquera le sceau de son immortalité et le cachet de son éternité sur votre dette, au point où elle se trouvera dans ce moment ; et ce sceau et ce cachet ne seront jamais rompus. O moment terrible ! mais si peu médité, si court et si long, qui coule avec tant de rapidité et qui entraîne avec soi une suite si effroyable de siècles ! Que va-t-il donc nous arriver, dans ce moment si capable de nous effrayer ? Hélas ! M.F., c'est que nous paraîtrons tous, chacun en particulier, devant le tribunal de Jésus-Christ, pour y être jugés et y rendre compte de tout le bien et de tout le mal que nous aurons fait. Le jugement particulier, M.F., est si certain, que le bon Dieu, pour nous en convaincre, en a fait paraître les signes à plusieurs, dès leur vivant ; afin que nous nous y préparions. Nous voyons dans l'histoire, qu'un jeune libertin était adonné à toutes sortes de vices ; mais qu'ayant été ins­truit par une mère sage, une nuit qui suivit un jour où il avait donné dans les plus grands excès, il eut un songe pendant son sommeil. Il se vit transporté au tribunal de Dieu. L'on ne peut dire quelle fut sa honte, sa confusion et l'amertume de son âme. A son réveil, il avait une fièvre ardente, il était en sueur et hors de lui-même, ses cheveux étaient devenus tout blancs. « Laissez-moi seul, disait-il, fondant en larmes, à ceux qui le virent les pre­miers dans cet état, laissez-moi seul, j'ai vu mon Juge : ah ! qu'il est terrible ! Pardon, mon Dieu ! ô pardon ! » Ses compagnons de débauches, apprenant que leur ami était malade, et qu'il se désolait, vinrent le voir pour le consoler. « Retirez-vous de moi, leur disait-il, vous n'êtes plus mes amis, je ne vous veux plus désormais. Ah ! j'ai vu mon Juge. Ah ! qu'il est terrible ! Quelle majesté ! quelle gloire que celle dont il est revêtu ! Ah ! que d'accusations et que d'interrogations auxquelles je n'ai rien pu répondre ! Tous mes crimes sont écrits, je les ai tous lus. Ah ! que le nombre en est grand ! C'est bien maintenant que j'en connais toute l'énormité ! Hélas ! j'ai vu une troupe de démons, qui n'attendaient que le signal pour me traîner dans les enfers. Retirez-­vous, faux amis, non jamais je ne vous verrai ! Que je serais heureux, si je pouvais, par les rigueurs de la péni­tence, apaiser ce Juge si terrible !... Je m'y dévoue pour toute ma vie. Hélas ! bientôt, il me faudra paraître pour tout de bon ! hélas ! peut-être que ce sera aujourd'hui !... Mon Dieu, pardonnez-moi !... Mon Dieu, faites-moi misé­ricorde !... Ah ! de grâce, ne me perdez pas, ayez pitié de moi ! ... Je ferai pénitence toute ma vie. Oh ! que de péchés j'ai commis !... Oh ! que de grâces méprisées !... Oh ! que de bien j'aurais pu faire, et que je n'ai pas fait !... Mon Dieu, ne me jetez pas en enfer ! » Mais, M.F., il ne s'en tint pas là. Il passa le reste de sa vie à pleurer, à faire pénitence. Que ce moment, M.F., sera terrible pour celui qui n'aura point fait de bien et qui aura fait beaucoup de mal. Oui, M.F., nous rendrons compte de toutes nos actions bonnes et mauvaises : tout paraîtra devant notre Juge au moment où notre âme se séparera de notre corps. Oui, M.F., le bon Dieu nous fera rendre compte de tous les biens que nous avons reçus. Je dis 1° qu'il y a les biens de la nature, de la fortune et de la grâce. Tous ces biens entreront en ligne de compte. Les biens de la nature regardent le corps et l'âme ; il faudra rendre compte de l'usage que nous avons fait de notre corps. Il demandera si nous avons employé nos forces à rendre service au prochain, à travailler pour avoir de quoi faire des aumônes, à faire pénitence, à faire des voyages pour aller visiter les endroits que le bon Dieu a privilégiés (comme Notre-Dame de Fourvière, saint François Régis, et ailleurs...). Mais, si, au contraire, nous n'avons em­ployé notre santé et notre corps qu'à courir dans les jeux, dans les cabarets, à aller voler le prochain, à travailler le saint jour du dimanche, à faire des voyages ces saints jours, au lieu de les employer à prier, à aimer le bon Dieu, à instruire les ignorants, à leur don­ner de bons conseils, à les porter au bon Dieu et à les détourner du mal. Ensuite il examinera si nous ne nous sommes pas servi de notre esprit pour le mal : c'est-à-­dire, à nous instruire pour les mauvaises choses. Si nous avons lu de mauvais livres, fréquenté les impies, appris aux autres à faire le mal. Si nous l'avons fait servir à tromper dans les ventes et les achats, à témoi­gner à faux en justice, à susciter des procès, à porter les autres à se venger et à parler mal contre la religion, à leur apprendre des impiétés sur la religion : comme en leur voulant faire croire que la religion n'est pas bonne, que tout ce que l'on dit n'est pas vrai, que les prêtres disent bien ce qu'ils veulent ! Il examinera encore si nous n’avons pas employé notre esprit à com­poser de mauvaises chansons contre la pureté, contre la réputation du prochain ; si nous n'avons pas communiqué nos mauvaises connaissances aux autres. Il nous demandera si nous avons employé notre esprit à nous instruire, si nous avons tiré vanité de la beauté de notre corps, au lieu d'admirer en nous la sagesse et la puis­sance de Dieu. Si nous nous en sommes servi pour porter les autres au mal, comme une personne qui se pare de manière à attirer les yeux du monde sur elle. Le bon Dieu examinera si nous avons bien employé notre bien, nous rappelant que nous ne sommes que des économes, et que tout ce que nous dépensons mal à propos, nous sera imputé à péché. Alors le bon Dieu fera voir à ces pères et mères toutes ces vanités qu'ils ont achetées à leurs enfants, ce qui n'a servi qu'à perdre leur âme ; il leur montrera tout cet argent dépensé dans les jeux, les cabarets, les danses, et toutes les autres dépenses inutiles. Et ensuite, tout ce que nous avons laissé perdre, et que nous aurions pu donner aux pau­vres. Hélas ! que de péchés auxquels on n'aura jamais pensé, et que nous ne voulons pas maintenant recon­naître ; et que nous reconnaîtrons bien dans ce moment, mais trop tard ! Venons à présent, M.F., à un autre rendement de compte qui sera bien plus terrible, c'est celui de la grâce. Le bon Dieu commencera à nous faire voir les bienfaits qu'il nous a accordés : 1° en nous faisant naître dans le sein de l'Église catholique, tandis que tant d'au­tres sont nés et morts hors de son sein. Il nous fera voir que, même parmi les chrétiens, un nombre infini sont morts sans avoir reçu la grâce du saint Baptême. Il nous fera voir combien d'années, de mois, de semaines, de jours, il nous a conservé la vie, étant dans le péché ; et que si, dans ces moments, il nous avait fait mourir, nous aurions été précipités dans les enfers. Il nous remettra devant les yeux toutes les bonnes pensées, toutes les bonnes inspirations, les bons désirs qu'il nous a donnés pendant toute notre vie. Hélas ! que de grâces mépri­sées ! Il nous rappellera toutes les instructions que nous avons reçues et entendues pendant notre vie ; tous les catéchismes, toutes les lectures qui étaient mises à notre disposition, afin d'en profiter. Toutes nos confes­sions, toutes nos communions, et tant d'autres grâces du ciel que nous avons reçues. Et combien de chrétiens n'en ont pas reçu la centième partie, et se sont sanc­tifiés ! Mais, M.F., que sont devenus tous ces bienfaits et toutes ces grâces, et quel profit en avons-nous fait ? Triste moment pour un chrétien qui a tout méprisé et qui n'a profité de rien ! Savez-vous, M.F., ce que vous... ? Voyez ce que nous dit saint Grégoire. « Ah ! mon ami, regarde cette croix, et tu verras ce qu'il en a coûté à un Dieu pour nous mériter la vie. » C'est pour cela que, quand saint Augustin méditait sur le rende­ment de compte qu'il faudrait faire des grâces qu'on aurait reçues et méprisées ; il s'écriait : « Hélas ! mal­heureux, que vais-je devenir après tant de grâces reçues ! Hélas ! je crains encore plus pour les grâces que j'ai reçues que pour les péchés que j'ai commis, quoiqu'ils soient bien nombreux ! Mon Dieu, quel sera mon sort ? » Nous lisons dans la vie de sainte Thérèse que, dans sa dernière maladie, elle fut transportée au jugement de Dieu ; étant revenue à elle-même, on lui demanda ce qu'elle craignait, après avoir fait tant de pénitence. « Hélas ! dit-elle, je crains beaucoup. » On lui demanda si elle avait peur de la mort ? « Non ». dit-elle. Si c'était de l'enfer ? « Non », répondit-elle. Qu'est-ce donc qui la faisait trembler ? « Hélas ! il faut que ma vie soit confrontée avec celle de Jésus-Christ : ah ! malheur à moi, si j'ai même l'ombre du péché ! » Mais qu'allons-nous penser, M.F., lorsque Jésus-Christ nous reprochera le mépris et l'abus que nous avons fait de son Sang précieux et de tous ses mérites ? « Ah ! pécheur ingrat, nous dira-t-il, vigne infructueuse, arbre stérile, qu'ai-je dû faire pour ton salut que je n'aie pas fait ? N'avais-je pas lieu d'attendre que tu porterais de bons fruits pour la vie éternelle ? Où sont les bonnes œuvres que tu as faites ? Où sont tes bonnes prières qui m'ont fait plaisir, qui m'ont touché le cœur ? Où sont tes bonnes confessions ? Les bonnes communions qui m'ont fait naître dans ton âme, qui m'ont dédommagé, en quelque sorte, des tourments que j'ai endurés pour ton salut ? Où sont les pénitences et les larmes que tu as répandues pour effacer les péchés que tu as commis ? Où sont les bonnes œuvres que tu as faites, pour tant de bonnes pensées, de bons désirs et tant d'occasions que je t'ai données et fournies ? Où sont ces messes bien entendues, où tu aurais pu me satisfaire pour tes péchés ? Va, malheureux, tu n'as produit que des œuvres d'iniquité, tu n'as travaillé qu'à renouveler les souf­frances de ma passion et de ma mort. Va, retire-toi de moi, je te maudis pour l'éternité ! Va, au jour du juge­ment général, je manifesterai tout ce bien que tu aurais pu faire et que tu n'as pas fait, et toutes les grâces que je t'ai accordées et que tu as méprisées. » Hélas ! que de reproches et que de péchés, auxquels nous n'avons jamais pensé ! Hélas ! que ce compte sera terrible ! En voici un exemple qui va vous le prouver. Il est rapporté par saint Jean Climaque, qu'un anachorète, nommé Étienne, après avoir mené une vie des plus austères et des plus saintes, étant déjà fort vieux, tomba malade de la maladie dont il mourut. La veille de sa mort, se trouvant tout un coup hors de lui-même, et néanmoins ayant les yeux ouverts, il regardait à droite et à gauche de son lit, comme s'il avait vu quelque personne qui lui faisait rendre compte de ses actions. L'on entendait une personne qui l'interrogeait, et le malade répondait si haut que tous ceux qui étaient dans l'appartement pouvaient l'entendre. On l'entendait qui disait : « Oui, il est vrai, j'ai commis ce péché, mais j'ai jeûné pour ce péché, tant d'années. » Ensuite l'autre voix disait qu'il avait fait tel péché, le mourant lui disait : « Non : c'est faux, je ne l'ai pas fait. » Un autre moment, on l'entendait qui disait : « Oui, je l'avoue, je l'ai commis ; mais le bon Dieu est tant miséricordieux, qu'il me l'a pardonné. » C'était, nous dit saint Jean Climaque, un spectacle effrayant que d'entendre le compte invisible et si exact que l'on demandait à ce solitaire de toutes ses actions. Mais, nous dit-il, ce qu'il y avait encore de plus épouvantable, c'est qu'il était accusé même des péchés qu'il n'avait jamais commis. Quoi ! M.F., un saint solitaire, qui avait passé quarante ans dans le désert, qui avait tant versé de larmes, avoue lui-même qu'il ne peut se justifier de quelques accusations qu'on lui fait !... Il nous laissa, dit saint Jean Climaque, dans une grande incertitude de son salut. Mais, que devien­dra un pécheur qui, dans ce moment, ne verra que du mal et point de bien ? Moment terrible ! moment déses­pérant ! Et ne rien avoir sur quoi se reposer ! Vous savez que ce jugement se passera entre trois témoins : le bon Dieu qui jugera, notre bon ange gar­dien qui montrera les bonnes œuvres que nous aurons faites, et le démon qui manifestera tout ce que nous aurons pu commettre de mauvais pendant tous les ins­tants de notre vie. D'après leurs dépositions, le bon Dieu nous jugera et fixera notre sort pour l'éternité. Hélas ! M.F., quelle doit être la frayeur d'un pauvre chrétien qui attend son jugement, et qui, dans quelques minutes, sera en enfer ou dans le ciel ! Nous lisons dans l'histoire qu'un saint abbé, nommé Agathon, étant à l'extrémité, demeura toujours les yeux fixés vers le ciel sans les remuer. Les religieux lui dirent : « Où croyez-vous être maintenant, mon père ? » – « Je suis en la présence de Dieu, dont j'attends le jugement. » – « Ne l'appréhendez-vous pas ? » – « Hélas ! je ne sais si toutes mes actions seront bien reçues de Dieu ; je crois bien avoir accompli les commandements ; mais les jugements de Dieu sont différents de ceux des hommes. » Dans ce moment, il s'écria : « Hélas ! je suis en jugement. » Hélas ! M.F., que de regrets d'avoir perdu tant de moyens de nous sauver, et méprisé tant de grâces que le bon Dieu nous a faites pour nous aider à gagner le ciel, et de voir que tout cela a été perdu pour nous, ou plutôt, que tout cela tourne à notre condamnation ! Mais, s'il est déjà si terrible de rendre compte des grâces que le bon Dieu nous avait faites pour nous garantir de l'enfer, que sera-ce donc lorsque nous serons examinés et jugés sur tous les péchés que nous aurons commis ? Peut-être, pour vous consoler, dites-­vous que vous n'avez pas commis ces péchés mons­trueux, aux yeux du monde. Mais ces péchés intérieurs, M.F. !... Hélas ! que de pensées d'impureté, que de désirs impurs, que de pensées de haine, de vengeance et d'envie ont roulé dans votre imagination pendant une vie de trente ou quarante ans, et peut-être quatre-vingts ans ! Hélas ! que de pensées d'orgueil, de jalousie, que de désirs de se venger, que de désirs de nuire à son prochain, que de désirs de tromper ! Et quand il en viendra à ces péchés d'actions ?... Hélas ! quand le bon Dieu va prendre le livre des mains des démons, pour examiner toutes ces actions d'impuretés, toutes ces corruptions, toutes ces turpidités, tous ces regards hon­teux, toutes ces confessions et ces communions sacri­lèges, tous ces détours et toutes ces ruses que l'on aura employés pour séduire cette personne .... Hélas ! que vont devenir ces victimes de l'impureté ! Oh ! qu'elles seraient plus heureuses si le bon Dieu les précipitait en enfer avant leur mort, pour éviter de paraître devant un Juge si pur ! Selon toute apparence, ce jugement se fera dans le lit du mourant ou dans la chambre. Hélas ! ces pauvres malheureux qui n'ont pas plus de retenue et de réserve que les animaux, peut-être moins, ne verront-ils pas, comme l'impie Balthazar, leur sentence de réproba­tion écrite contre les murs de leurs maisons, ou plutôt dans tous les coins de leurs maisons. Pourront-ils nier, quand Jésus-Christ, le livre à la main, leur montrera le lieu et l'heure où ils ont commis le péché ! « Va, mal­heureux, leur dira-t-il, je te réprouve et je te maudis pour jamais ! » Hélas ! M.F., quand le bon Dieu leur offrirait leur pardon, il est comme sûr qu'ils n'en voudraient point, tant le péché endurcit le cœur. Ah ! Jésus-Christ pour­rait leur faire les mêmes menaces qu'il fit à cet impie, dont il est parlé dans l'histoire. Étant sur le point de sortir de ce monde, Jésus-Christ lui dit : « Veux-tu me demander pardon, et je te pardonnerai ? » Mais non ! quand on s'est roulé dans le péché pendant sa vie, il n'y a plus de retour. – « Non, » lui dit le mourant. – « Eh bien ! lui dit Jésus-Christ, en lui jetant une goutte de son sang précieux au front, va : au grand jour du jugement ce sang adorable, méprisé et profané toute ta vie, sera ta marque de réprobation. » Après ces paroles, il meurt, et il est jeté en enfer. O terrible moment pour un pé­cheur qui ne verra rien de bon pour lui faire espérer le ciel ! Ce pauvre pécheur, tout tremblant, voudrait déjà être en enfer, n'ayant rien à répondre. Il se meurt, il ne peut que dire : « Oui, j'ai mérité l'enfer, il est juste que j'y sois précipité ; puisque j'ai tant profané ce sang adorable que vous aviez versé sur l'arbre de la croix pour mon salut. » Jésus-Christ, toujours avec le livre où sont écrits ses péchés, verra toutes ses prières man­quées ou mal faites, peut-être même faites avec la haine et la vengeance ; que dis-je ? peut-être, avec un cœur brûlé par le feu de l'impureté. Non, non, mon Dieu, n'examinez pas davantage, jetez-le vite dans les enfers, c'est la plus grande grâce que vous puissiez lui faire, si vous devez lui en faire encore une avant de le jeter dans le feu éternel. Oui, Jésus-Christ tournera le feuillet où il verra écrits tous ces jurements, toutes ces imprécations, toutes ces malédictions qu'il n'a cessé de vomir pendant sa vie, avec une langue et une bouche qui ont été tant de fois arrosées de ce sang adorable. Oui, M.F., Jésus-Christ tournera le feuillet, il y trouvera écrites toutes ces pro­fanations des saints jours du dimanche. Ah ! non, non, il n'y aura plus de prétextes, tout sera mis en évidence. Oui, il verra toutes ces ivrogneries qui se sont commises dans ces saints jours ; toutes ces débauches, ces jeux, ces danses, qui ont profané ces jours consacrés à Dieu. Hélas ! que de messes manquées ou mal entendues ! Que de saintes messes, où nous ne nous sommes presque rien occupés du bon Dieu ! Hélas ! peut-être que nous y aurons commis plus de péchés que pendant toute la semaine ! Oui, M.F., Jésus-Christ tournera le feuillet, il verra écrits tous ces crimes des enfants ingrats qui ont méprisé leur père et leur mère, qui les ont maudits, leur ont souhaité la mort pour être maîtres de leurs biens, qui les ont fait souffrir dans leur vieillesse, qui, par leurs mauvais traitements... Oui, M.F., Jésus-Christ tournera le feuillet et verra écrites toutes ces injustices et toutes ces usures dans les ventes et dans les prêts. Oui, toutes ces rapines seront mises au jour. Hélas ! ce pauvre malheureux entendra lire le détail de toute sa vie, et sans pouvoir trouver une seule excuse. Hélas ! où en sera réduit ce pauvre orgueilleux qui voulait toujours avoir droit, qui méprisait tout le monde, qui se raillait de tout ? Mon Dieu, dans quel état de désespoir cet examen l'a-t-il réduit ? Oui, M.F., dans ce monde, nous avons toujours quelques prétextes pour diminuer nos péchés, si nous ne pouvons pas tout à fait les cacher. Mais, avec Jésus-Christ, M.F., tout ceci ne sera plus. Il nous fera convenir lui-même de tout ce que nous avons fait, et nous serons forcés d'approuver que telle a été notre vie, et que c'est avec justice que nous serons condamnés à aller brûler dans les enfers et bannis pour jamais de la présence de notre Dieu. O malheur épouvantable ! Mais malheur sans avoir l'espérance de le réparer ! O que celui qui y penserait bien serait bien plus sage que nous ne sommes ! Mais, ce n'est pas encore assez : le démon qui a tra­vaillé toute notre vie à notre perte, présentera à Jésus-Christ un livre où seront écrits tous les péchés que nous aurons fait commettre aux autres. Hélas ! que le nombre en sera grand, et ce ne sera que dans ce moment-là où nous pourrons le savoir. Hélas ! que vont devenir ces pères et mères, ces maîtres et maîtresses, qui ont tant de fois fait manquer la prière à leurs enfants et à leurs domestiques, crainte de perdre un moment pour leur travail ? Que de messes n'ont-ils pas fait manquer à leur berger ? Que de vêpres, que d'instructions, que de caté­chismes et que de sacrements que leurs gens n'ont pas fréquentés, faute de leur donner du temps. Combien de fois ne les ont-ils pas fait travailler les dimanches, et ne se sont-ils pas moqués d'eux lorsqu'ils faisaient quel­ques pratiques de religion ? et quelquefois ne les ont-ils pas empêchés de les faire ? Combien de libertins ont fait commettre de péchés à de jeunes personnes par leurs sollicitations et leurs promesses ? Et parmi les filles, n'ont-elles pas porté les autres à de mauvaises pensées, à des regards impurs, par leurs manières affectées et recherchées ? Combien d'ivrognes qui ont été cause que d'autres se sont mis dans le vin et ont passé leur diman­che dans le cabaret, en manquant les offices ? Hélas ! que de péchés n'ont pas laissé commettre les cabaretiers, en donnant à boire aux ivrognes ! Combien de paroles sales et combien d'autres actions impures, parce que dans les cabarets tout est permis ! C'est là où l'on fait couler de son cœur le venin de l'impureté, qui enivre de ses sales plaisirs presque tous ceux qui se trouvent dans la maison. Hélas ! qu'il y aura de quoi rendre compte ! Combien de jeunes gens qui volent leurs pa­rents pour avoir de quoi aller au cabaret ! et qui en porte le péché ? Personne autre, sinon les cabaretiers. Hélas ! combien ces impies n'ont-ils pas donné de doutes sur la religion par leurs impiétés, en débitant tout ce qu'ils ont inventé pour affaiblir la foi dans le cœur de ceux qui étaient avec eux ! Combien de calom­nies contre les prêtres ! comme si le défaut de l'un rendait les autres mauvais. Hélas ! combien de personnes qui n'ont quitté de fréquenter les sacrements, que parce qu'elles se sont trouvées avec des impies qui leur ont tant débité de faussetés contre la religion qu'ils ont tout abandonné. Qui pourrait compter le nombre des âmes qu'ils ont perdues ? Cependant tout cela leur sera imputé à péché, tout cela sera cause de leur condamnation. Toutes les âmes qu'ils ont perdues viendront demander vengeance à ce moment Hélas ! si le saint roi David disait qu'il craignait plus pour les péchés d'autrui que pour les siens, que vont donc devenir ces pauvres malheureux qui n'ont passé leur vie qu'à perdre de pauvres âmes par leurs mauvais exemples et leurs dis­cours méchants ? Hélas ! quel étonnement, lorsqu'ils verront qu'ils ont jeté tant d'âmes dans les enfers ! Qui de nous, M.F., ne tremblera pas en pensant que le bon Dieu ne laissera rien sans examen, pas même les bonnes œuvres, pour savoir si elles ont été bien faites, et pour lui seul. Hélas ! que d'actions qui n'ont eu pour principe que le monde, que le désir d'être re­marqué et de passer pour un brave homme ! Que de bonnes actions qui vont se trouver ne rien valoir aux yeux de Dieu ! Hélas ! que d'hypocrisies, que de res­pect humain en ont fait perdre tout le mérite ! Si les saints, M.F., qui n'étaient coupables que de quelques petites fautes, ont tant craint ce moment, ont fait des pénitences si dures et si longues ; comment voulons-nous pouvoir espérer que le bon Dieu aura pitié de nous ! Hélas ! qu'il y en tombe chaque jour de moins cou­pables que nous. Mon Dieu, ne nous jetez pas en enfer ! faites-nous plutôt souffrir tout ce que vous voudrez pen­dant notre vie. Pour bien vous faire sentir combien le bon Dieu nous jugera rigoureusement ; ce qui n'est pas difficile à croire... Quoi ! un chrétien comblé de tant de bienfaits, qui a eu tant de grâces pour se sauver et auquel rien n'a manqué, que sa volonté seule, n'est-il pas juste que le bon Dieu l'examine avec une rigueur effroyable ? Nous lisons dans l'histoire un exemple rapporté par saint Jean Climaque, qui semble nous montrer en partie la rigueur de la justice de Dieu envers le pécheur. Il nous dit qu'un de ses amis, qui se nommait Jean Sabaïte, lui avait dit que, dans un monastère de l'Asie, il y avait un jeune homme qui, voyant que son supérieur le traitait avec trop de bonté et de douceur, pensait que ceci lui nuirait ; il lui demanda permission d'aller dans un autre monas­tère. Etant parti, la première nuit qu'il y fut, il vit en songe une personne qui lui demandait compte de ses actions. Après un examen qui fut très sévère, il se trouva redevable à la justice divine de sommes consi­dérables, et le bon Dieu lui fit voir qu'il n'avait encore rien fait pour expier ses péchés. Tout effrayé de cette vision, il demeura encore trois ans dans ce lieu où le bon Dieu, voulant lui faire expier ses péchés, permit qu'il fût méprisé et maltraité de tout le monde. Il sem­blait que chacun prît à tâche de le faire souffrir ; dans tout cela, jamais il ne se plaignait. Le bon Dieu lui fit voir dans une vision, qu'il n'avait encore acquitté qu'un tiers de ce qu'il devait à sa justice. Tout épouvanté, il se mit à contrefaire le fou, et continua ce genre de vie pendant treize ans ; ensuite le bon Dieu lui dit qu'il n'en avait encore payé que la moitié. Ne sachant plus com­ment s'y prendre, tout le reste de sa vie il ne fit que crier miséricorde vers Dieu. Il ne tenait plus ni borne, ni mesure pour ses pénitences. « Ah ! Seigneur, n'aurez­-vous pas pitié de moi, faites-moi souffrir tout ce que vous voudrez et pardonnez-moi. » Cependant, avant de mourir, le bon Dieu lui dit que ses péchés lui étaient pardonnés. Eh bien ! M.F., qui osera espérer que nos péchés sont effacés, quand seulement nous les avons confessés et dit au bon Dieu que nous lui en deman­dons pardon. Hélas ! que de chrétiens sont dans l'aveu­glement, qui croient avoir beaucoup fait, tandis qu'ils verront qu'ils n'ont rien fait. Le bon Dieu leur fera voir ce que leurs péchés méritaient, et les pénitences qu'ils ont faites. Hélas ! que de chrétiens perdus ! Mais le jugement particulier, M.F., sera encore suivi d'un autre examen. Quoique ce que je viens de vous dire semble déjà être rigoureux, celui-ci ne sera pas moins terrible ; je veux dire que Jésus-Christ nous jugera sur tout le bien que nous aurions pu faire et que nous n'au­rons pas fait. Jésus-Christ remettra devant les yeux du pécheur toutes les prières qu'il n'a pas faites, et qu'il aurait pu faire, tous les sacrements qu'il aurait pu rece­voir pendant sa vie. Combien de fois de plus, il aurait pu recevoir son Corps et son Sang, s'il avait voulu mener une vie plus sainte. Jésus-Christ lui demandera même compte de toutes les fois qu'il a eu la pensée de faire quelques bonnes actions et qu'il ne les a pas faites. Que de prières, que de saintes messes ! que de con­fessions ! que de pénitences ! que de devoirs de charité il aurait pu rendre au prochain ! que de privations dans ses repas, dans ses visites ! Que de visites de plus il aurait pu faire au Saint-Sacrement les saints jours de dimanche. Hélas ! que de bonnes œuvres manquées, sur lesquelles nous subirons un jugement ! Jésus-Christ demandera même compte de tout le bien que les bons exemples auraient fait faire aux autres. Ah ! grand Dieu, où en serons-nous ?


II. – Mais, me direz-vous, que devons-nous donc faire pour nous rassurer dans un moment si malheureux pour celui qui aura vécu dans le péché, et sans penser à fléchir la justice de Dieu que ses péchés ont si grandement irrité ? Le voici. C'est 1° de rentrer en nous­-mêmes, de penser sérieusement que nous n'avons encore rien fait qui puisse nous donner espérance pour ce moment ; que tous nos péchés sont dans un livre que le démon présentera à Dieu pour nous juger, afin de lui faire connaître nos péchés, même les plus cachés. 2° C'est de rendre, à l'exemple de Zachée, tout ce qui n'est pas à nous ; sans quoi, jamais nous n'éviterons l'enfer. C'est d'avoir une grande douleur de nos péchés, de les pleurer comme fit le saint roi David, qui pleura son péché jus­qu'à la mort et qui n'en commit point d'autres. C'est de nous humilier profondément devant le bon Dieu, rece­vant tout ce que le bon Dieu voudra nous envoyer, non seulement avec soumission, mais avec une grande joie ; puisqu'il n'y a point de milieu, et qu'il faut ou pleurer dans ce monde ou pleurer dans l'autre, là où les larmes ne servent de rien, et la pénitence est sans mérite. C'est de ne jamais perdre la pensée que nous ne savons pas le jour que nous serons jugés, et que si malheureu­sement nous sommes trouvés en état de péché, nous serons perdus pour l'éternité. Que conclure de cela, M.F. ? C'est qu'il faut que nous soyons fameusement aveugles ; puisque tout bien exa­miné, pas un ne pourrait dire qu'il est prêt à paraître devant Jésus-Christ, et que, malgré cette sûreté que nous ne sommes pas prêts, pas un d'entre nous ne fera un pas de plus vers le bon Dieu pour s'assurer une sen­tence favorable. O mon Dieu ! que le pécheur est aveugle ! Hélas ! que son sort est déplorable ! Non, non, M.F., ne vivons plus comme des insensés, puisque dans le moment où nous y penserons le moins, Jésus-Christ frappera à notre porte. Heureux celui qui n'aura pas attendu ce moment pour s'y préparer. Ce que je vous souhaite...

 



24/12/2008
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 4 autres membres