Sur la Prière

 5ème dimanche après Pâques

Sur la Prière


En vérité, je vous le dis, tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, il vous l'accordera. (Saint Jean, XVI, 23.)


Non, M.F., rien de plus consolant pour nous que les promesses que Jésus-Christ nous fait dans l'Évangile, en nous disant que tout ce que nous demanderons à son Père en son nom, il nous l'accordera. Non content de cela, M.F., non seulement il nous permet de lui demander ce que nous désirons ; mais il va jusqu'à nous le com­mander, il nous en prie. Il disait à ses Apôtres : « Voilà bien trois ans que je suis avec vous et vous ne me demandez rien. Demandez-moi donc, afin que votre joie soit pleine et parfaite. » Ce qui nous montre que la prière est la source de tous les biens et de tout le bonheur que nous pouvons espérer sur la terre. D'après cela, M.F., si nous sommes si pauvres, si dénués de lumières et des biens de la grâce ; c'est que nous ne prions pas ou que nous prions mal. Hélas ! M.F., disons­-le en gémissant : une grande partie ne savent pas même ce que c'est que de prier, et d'autres n'ont qu'une grande répugnance pour un exercice qui est si doux et si consolant pour un bon chrétien. Parfois, nous en voyons quelques-uns qui prient, mais qui n'obtiennent rien, cela vient de ce qu'ils prient mal : c'est-à-dire, sans préparation, et sans savoir même ce qu'ils vont demander au bon Dieu. Mais pour mieux vous faire sentir la grandeur du bien que la prière nous attire, M.F., je vous dirai que tous les maux qui nous acca­blent sur la terre ne viennent que de ce que nous ne prions pas, ou que nous prions mal ; et, si vous voulez en savoir la raison, la voici. C'est que si nous avions le bonheur de prier le bon Dieu comme il faut, il nous serait impossible de tomber dans le péché ; et si nous étions exempts de péché, nous nous retrouverions pour ainsi dire comme Adam avant sa chute. Pour vous engager, M.F., à prier souvent et à prier comme il faut, je vais vous montrer 1° que sans la prière, il nous est impossible de nous sauver ; 2° que la prière est toute puissante auprès de Dieu ; 3° quelles sont les qualités que doit avoir une prière pour être agréable à Dieu et méritoire pour celui qui la fait.


I. – Pour vous montrer, M.F., le pouvoir de la prière et les grâces qu'elle vous attire du ciel, je vous dirai que ce n'est que par la prière que tous les justes ont eu le bonheur de persévérer. La prière est à notre âme ce que la pluie est à la terre. Fumez une terre, tant que vous voudrez ; si la pluie manque, tout ce que vous ferez ne servira de rien. De même, faites des bonnes œuvres tant que vous voudrez ; si vous ne priez pas souvent et comme il faut, jamais vous ne serez sauvés ; parce que la prière ouvre les yeux de notre âme, lui fait sentir la grandeur de sa misère, la nécessité d'avoir recours à Dieu, elle lui fait redouter sa faiblesse. Le chrétien compte pour tout sur Dieu seul, et rien sur lui­-même. Oui, M.F., c'est par la prière que tous les justes ont persévéré. En effet, qui a porté tous ces saints à faire de si grands sacrifices que d'abandonner tous leurs biens, leurs parents et toutes leurs commodités, pour aller passer le reste de leur vie dans les forêts, afin d'y pleurer leurs péchés ? C'est, M.F., la prière, qui enflam­mait leur cœur de la pensée de Dieu, du désir de lui plaire, et de ne vivre uniquement que pour lui. Voyez Magdeleine, quelle est son occupation après sa conver­sion ? N'est-ce pas la prière ? Voyez saint Pierre ; voyez encore saint Louis, roi de France, qui, dans ses voyages, au lieu de passer la nuit dans son lit, la passait dans une église, pour y prier, en demandant au bon Dieu le don précieux de persévérer dans sa grâce. Mais sans aller si loin, M.F., ne voyons-nous pas nous-mêmes que dès que nous négligeons nos prières, nous perdons de suite le goût des choses du ciel : nous ne pensons plus qu'à la terre ; et si nous reprenons la prière, nous sentons renaître en nous la pensée et le désir des choses du ciel. Oui, M.F., si nous avons le bonheur d'être dans la grâce de Dieu, ou nous aurons recours à la prière, ou nous sommes sûrs de ne pas persévérer longtemps dans le chemin du ciel. En second lieu, nous disons, M.F., que tous les pé­cheurs ne doivent, sans un miracle extraordinaire, qui arrive très rarement, leur conversion qu'à la prière. Voyez sainte Monique, ce qu'elle fait pour demander la conversion de son fils : tantôt elle est au pied de son crucifix, qui prie et qui pleure ; tantôt, auprès des per­sonnes qui sont sages, pour demander le secours de leurs prières. Voyez saint Augustin lui-même, lorsqu'il voulut sérieusement se convertir ; voyez-le dans un jardin, livré à la prière et aux larmes, afin de toucher le cœur de Dieu et de changer le sien. Oui, M.F., comme que nous soyons pécheurs, si nous avions recours à la prière, et si nous priions comme il faut, nous serions sûrs que le bon Dieu nous pardonnerait. Ah ! M.F., ne soyons pas étonnés de ce que le démon fait tout ce qu'il peut pour nous faire manquer nos prières, et nous les faire faire mal ; c'est qu'il comprend bien mieux que nous combien la prière est redoutable à l'enfer, et qu'il est impossible que le bon Dieu puisse nous refuser ce que nous lui demandons par la prière. Oh ! que de pécheurs sortiraient du péché, s'ils avaient le bonheur d'avoir recours à la prière ! En troisième lieu, je dis que tous les damnés se sont damnés parce qu'ils n'ont pas prié, ou ont prié mal. De là je conclus, M.F., que sans la prière, nous ne pou­vons que nous perdre pour l'éternité, et qu'avec la prière bien faite, nous sommes sûrs de nous sauver. Oui, M.F., tous les saints étaient tellement convaincus que la prière leur était absolument nécessaire pour se sauver, qu'ils ne se contentaient pas de passer les jours à prier, mais encore les nuits entières. Pourquoi est-ce, M.F., que nous avons tant de répugnance pour un exercice si doux et si consolant ? Hélas ! M.F., c'est que, le faisant mal, nous n'avons jamais senti les dou­ceurs que les saints y éprouvaient. Voyez saint Hila­rion, qui pria pendant cent ans sans discontinuer, et ces cent ans de prières furent si courts que sa vie lui sembla passer comme un éclair. En effet, M.F., une prière bien faite est une huile embaumée qui se répand dans toute notre âme, qui semble déjà lui faire sentir le bonheur dont jouissent les bienheureux dans le ciel. Cela est si vrai, que nous lisons dans la vie de saint François d'Assise que, souvent, quand il priait, il tom­bait dans le ravissement, au point qu'il ne pouvait distinguer s'il était sur la terre ou dans le ciel parmi les bienheureux. C'est qu'il était embrasé par le feu divin que la prière allumait dans son cœur, et qui lui com­muniquait une chaleur sensible. Un jour qu'il était à l'église, il se sentit un amour si violent qu'il se mit à crier à haute voix : « Mon Dieu, je ne peux plus y tenir. » – Mais, pensez-vous en vous-mêmes, cela est bien bon pour ceux qui savent bien prier et dire de belles prières. – M.F., ce ne sont ni les longues, ni les belles prières que le bon Dieu regarde ; mais celles qui se font du fond du cœur, avec un grand respect et un véritable désir de plaire à Dieu. En voici un bel exemple. Il est rapporté dans la vie de saint Bonaven­ture, qui était un grand docteur de l'Église, qu'un reli­gieux très simple lui dit : « Mon père, moi qui suis peu instruit, pensez-vous que je puisse prier le bon Dieu, et l'aimer ? » Saint Bonaventure lui dit : « Ah ! mon ami, c'est principalement ceux-là que le bon Dieu chérit le plus, et qui lui sont le plus agréables. » Ce bon religieux, tout étonné d'une si bonne nouvelle, va se mettre à la porte du monastère, disant à tous ceux qu'il voyait passer : « Venez, mes amis, j'ai une bonne nouvelle à vous donner ; le docteur Bonaventure m'a dit que nous autres, quoique ignorants, nous pouvions autant aimer le bon Dieu que les savants. Quel bonheur pour nous de pouvoir aimer le bon Dieu et lui plaire, sans rien savoir ! » D'après cela, M.F., je vous dirai que rien n'est plus facile que de prier le bon Dieu, et qu'il n'est rien de plus consolant. Nous disons que la prière est une élévation de notre cœur vers Dieu. Disons mieux, M.F., c'est un doux entretien d'un enfant avec son père, d'un sujet avec son roi, d'un serviteur avec son maître, d'un ami avec son ami, dans le sein duquel il dépose ses chagrins et ses peines. Pour mieux encore vous exprimer ce bonheur, c'est une vile créature que le bon Dieu reçoit entre ses bras pour lui prodiguer toutes sortes de bénédictions. Que vous dirai-je encore, M.F. ? C'est la réunion de tout ce qu'il y a de plus vil, avec tout ce qu'il y a de plus grand, de plus puissant, de plus parfait en toutes sortes de manières. Dites-moi, M.F., nous en faut-il davantage, pour nous faire sentir le bonheur de la prière et la nécessité de la prière ? D'après cela, M.F., vous voyez que la prière nous est absolument néces­saire si nous voulons plaire à Dieu et nous sauver. D'un autre côté, nous ne pouvons trouver notre bon­heur sur la terre qu'en aimant Dieu ; et nous ne pou­vons l'aimer qu'en le priant. Nous voyons que Jésus­-Christ, pour nous encourager à avoir souvent recours à lui par la prière, nous promet de ne jamais rien nous refuser si nous le prions comme il faut. Mais, sans aller chercher de grands détours pour vous montrer que nous devons souvent prier, vous n'avez qu'à ouvrir votre catéchisme, et vous y verrez que le devoir d'un bon chrétien est de prier le matin et le soir et souvent pen­dant le jour : c'est-à-dire, toujours. Je dis que, le matin, un chrétien qui désire de sau­ver son âme doit, dès l'instant qu'il s'éveille, faire le signe de la croix, donner son cœur à Dieu, lui offrir toutes ses actions, se préparer à faire sa prière. Il ne faut jamais travailler avant de la faire ; mais la faire à genoux, après avoir pris de l'eau bénite, et la faire de­vant son crucifix. Ne perdons jamais de vue, M.F., que c'est le matin que le bon Dieu nous prépare toutes les grâces qui nous sont nécessaires pour passer sainte­ment la journée ; parce que le bon Dieu sait toutes les occasions que nous aurons de pécher, toutes les tenta­tions que le démon nous livrera pendant le jour ; et, si nous prions à genoux et comme il faut, il nous donne toutes les grâces dont nous avons besoin pour ne pas succomber. C'est pour cela que le démon fait tout ce qu'il peut pour nous les faire manquer ou pour nous les faire faire mal ; étant très convaincu, comme il l'avoua un jour par la bouche d'un possédé, que s'il peut avoir le premier moment de la journée, il est sûr d'avoir tout le reste. Qui de nous, M.F., pourrait entendre, sans pleurer de compassion, ces pauvres chrétiens qui osent vous dire qu'ils n'ont pas le temps de prier ! Vous n'avez pas le temps ! pauvres aveugles ; quelle est l'action la plus précieuse, ou de travailler à plaire à Dieu et à sauver votre âme, ou d'aller donner à manger à vos bêtes qui sont à l'écurie, ou bien d'appeler vos enfants ou vos domestiques pour les envoyer remuer la terre ou le fumier ? Mon Dieu, que l'homme est aveugle !... Vous n'avez pas le temps ! mais, dites-moi, ingrats, si le bon Dieu vous avait fait mourir cette nuit, auriez-vous tra­vaillé ? Si le bon Dieu vous avait envoyé trois ou quatre mois de maladie, auriez-vous travaillé ? Allez, miséra­bles, vous méritez que le bon Dieu vous abandonne à votre aveuglement, que vous périssiez. Nous trouvons que c'est trop de lui donner quelques minutes pour le remercier des grâces qu'il nous accorde à chaque instant. – Vous voulez faire votre ouvrage, dites-vous. – Mais, mon ami, vous vous trompez grandement, vous n'avez pas d'autre ouvrage que de plaire à Dieu et de sauver votre âme, tout le reste n'est pas votre ouvrage : si vous ne le faites pas, d'autres le feront ; mais si vous perdez votre âme, qui la sauvera ? Allez, vous êtes un insensé, quand vous serez en enfer, vous apprendrez ce que vous eussiez dû faire ; mais ce que, malheureusement, vous n'avez pas fait. Mais, me direz-vous, quels sont donc les avantages que nous recevons par la prière, que nous devons si souvent prier ? – M.F., les voici. La prière fait que nos croix sont moins pesantes, elle adoucit nos peines et nous sommes moins attachés à la vie, elle attire sur nous le regard de la miséricorde de Dieu, elle fortifie notre âme contre le péché, elle nous fait désirer la pénitence et nous la fait pratiquer avec plaisir, elle nous fait sentir et comprendre combien le péché outrage le bon Dieu. Disons mieux, M.F., par la prière nous plaisons à Dieu, nous enrichissons nos âmes, et nous nous assurons la vie éternelle. Dites-moi, M.F., en faut-il davantage pour nous porter à faire que notre vie ne soit qu'une prière continuelle par notre union avec Dieu ? Quand on aime quelqu'un, a-t-on besoin de le voir pour penser à lui ? Non, sans doute. De même, M.F., si nous aimons le bon Dieu, la prière nous sera aussi familière que la respiration. Cependant, M.F., je vous dirai que pour prier de manière qu'elle puisse nous attirer tous ces biens, il ne suffit pas d'y employer un instant à la hâte, c'est-à-dire, avec précipitation. Le bon Dieu veut que nous y passions un temps convenable, que nous ayons au moins le temps de lui demander les grâces qui nous sont nécessaires, de le remercier de ses bienfaits, et de gémir sur nos fautes passées en lui en demandant pardon. Mais, me direz-vous, comment pouvons-nous donc prier sans cesse ? – M.F., rien de plus facile : c'est de nous occuper du bon Dieu, de temps en temps, pendant notre travail ; tantôt faisant un acte d'amour, pour lui témoigner que nous l'aimons, parce qu'il est bon et digne d'être aimé ; tantôt, un acte d'humilité, nous reconnaissant indignes des grâces dont il ne cesse de nous combler ; tantôt un acte de confiance, de ce que, quoique bien misérables, nous savons qu'il nous aime et qu'il veut nous rendre heureux. Ou bien, nous penserons à la mort et passion de Jésus-Christ, nous le verrons au jar­din des Olives, portant sa croix ; nous nous rappellerons son couronnement d'épines, son crucifiement ; ou, si vous voulez, son incarnation, sa naissance, sa fuite en Égypte ; ou bien encore, la pensée de la mort, du juge­ment, de l'enfer ou du ciel. Nous ferons quelques prière en l'honneur de notre saint ange gardien, et ne man­querons jamais de dire nos Benedicite, nos actions de grâces, nos Angelus, le Salut, Marie, quand l'heure sonne : ce qui nous fait ressouvenir de nos fins dernières, que bientôt nous ne serons plus sur la terre, et ce qui nous porte à ne pas nous y attacher, et à ne pas rester dans le péché, crainte que la mort nous y surprenne. Voyez, M.F., combien il est facile de prier sans cesse en faisant cela. Voilà, M.F., comme les saints priaient toujours.


II. – Le deuxième motif qui doit nous porter à avoir recours à la prière, c'est que tout l'avantage tourne contre nous. Le bon Dieu veut notre bonheur, et il sait que ce n'est que par la prière que nous pouvons nous le procurer. D'ailleurs, M.F., quel plus grand honneur pour une vile créature comme nous, que Dieu veuille bien s'abaisser jusqu'à elle, en s'entretenant avec elle aussi familièrement qu'un ami avec son ami. Voyez quelle bonté de sa part en nous permettant de lui faire part de nos chagrins, de nos peines. Et ce bon Sauveur s'empresse de nous consoler, de nous soutenir dans les épreuves, ou, pour mieux dire, il souffre pour nous. Dites-moi, M.F., ne serait-ce pas vouloir renoncer à notre salut et à notre bonheur sur la terre que de ne pas prier ? puisque, sans la prière, nous ne pouvons être que malheureux, et qu'avec la prière nous sommes sûrs de tout obtenir ce qui nous est nécessaire pour le temps et pour l'éternité, comme nous allons le voir. Je dis 1° M.F., que tout est promis à la prière, et 2° que la prière obtient tout quand elle est bien faite : c'est une vérité que Jésus-Christ nous répète presque à chaque page de la sainte Écriture. La promesse que Jésus-Christ nous en fait est formelle : « Deman­dez, nous dit-il, et vous recevrez ; cherchez et vous trouverez ; frappez, l'on vous ouvrira. Tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, vous l'obtiendrez, si vous le faites avec foi. » Jésus-Christ ne se contente pas de nous dire que la prière bien faite obtient tout. Pour mieux encore nous en convaincre, il nous l'assure avec serment : « En vérité, en vérité je vous le dis, tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, il vous l'accordera. » D'après les paroles de Jésus-Christ même, il me semble, M.F., qu'il serait impossible de douter du pouvoir de la prière. D'ailleurs, M.F., d'où pourrait venir notre défiance ? Serait-ce de notre indi­gnité ? Mais, le bon Dieu sait bien que nous sommes pécheurs et coupables, et que nous comptons en tout sur sa bonté qui est infinie, et que c'est en son nom que nous prions. Et notre indignité n'est-elle pas couverte, et comme cachée par ses mérites ? Est-ce parce que nos péchés sont trop affreux ou trop nombreux ? Mais, ne lui est-il pas aussi facile de nous pardonner mille péchés qu'un seul ? N'est-ce pas principalement pour les pé­cheurs qu'il a donné sa vie ? Écoutez ce que nous dit le saint Roi-Prophète : « A-t-on jamais vu quelqu'un qui ait prié le Seigneur, et dont la prière n'ait pas été exaucée ? » « Oui, nous dit-il, tous ceux qui invoquent le Seigneur, et qui ont recours à lui, ont éprouvé les effets de sa miséricorde. ». Voyons cela par des exemples, ce qui vous sera plus sensible. Voyez Adam après son péché demander misé­ricorde. Non seulement le Seigneur lui pardonne, mais encore à tous ses descendants ; il lui promet son Fils, qui devait s'incarner, souffrir et mourir pour réparer son péché. Voyez les Ninivites qui étaient si coupables, puisque le Seigneur leur envoie son prophète Jonas, pour les avertir qu'il allait les faire périr de la manière la plus épouvantable : c'est-à-dire, par le feu du ciel. Tous se livrent à la prière, et le Seigneur leur accorde à tous leur pardon. Lors même que le bon Dieu était prêt à faire périr l'univers par un déluge universel, si ces pécheurs avaient eu recours à la prière, ils auraient été sûrs que le Seigneur les aurait pardonnés. Si vous allez plus loin, voyez Moïse sur la montagne, pendant que Josué combat les ennemis du peuple de Dieu. Tant que Moïse prie, les Israélites sont victorieux ; et aussitôt qu'il cesse de prier, ils sont vaincus. Voyez encore ce même Moïse qui va demander au Seigneur le pardon de trente mille coupables que le Seigneur avait résolu de faire périr : par ses prières, il força pour ainsi dire le Seigneur à les pardonner. « Non, Moïse, lui dit le Seigneur, ne demande pas grâce pour ce peuple, je ne veux pas le pardonner. » Moïse continue, et le Seigneur est vaincu par les prières de son serviteur, et les pardonne. Que fait Judith, M.F., pour délivrer sa patrie de son redoutable ennemi ? Elle se met en prière, et, pleine de confiance en celui qu'elle vient de prier, elle va chez Holopherne, lui tranche la tête et sauve sa patrie. Voyez le pieux roi Ézéchias, à qui le Seigneur envoie son prophète pour lui dire de mettre ordre à ses affaires parce qu'il va mourir. Il se prosterne devant le Seigneur, en le priant de ne pas l'ôter encore de ce monde. Le Seigneur, touché de sa prière, lui donne encore quinze ans de vie. Si vous passez plus loin, voyez le publicain qui, se reconnaissant coupable, va dans le temple prier le Seigneur de le par­donner. Jésus-Christ nous dit lui-même que ses péchés lui sont pardonnés. Voyez la pécheresse qui, prosternée aux pieds de Jésus-Christ, le prie avec larmes. Jésus-­Christ ne lui dit-il pas : « Vos péchés vous sont par­donnés ? » Le bon larron prie sur la croix, quoique tout couvert des crimes les plus énormes : non seulement Jésus-Christ le pardonne ; mais, bien plus, lui promet qu'au même jour, il sera dans le ciel avec lui. Oui, M.F., s'il vous fallait citer tous ceux qui ont obtenu leur par­don par la prière, il faudrait vous citer tous les saints qui ont été pécheurs ; puisque ce n'est que par la prière qu'ils ont eu le bonheur de se réconcilier avec le bon Dieu, qui se laissa toucher par leurs prières.


III. – Mais peut-être pensez-vous : D'où peut donc venir que, malgré tant de prières, nous sommes toujours pécheurs et pas meilleurs une fois que l'autre ? – Mon ami, notre malheur vient de ce que nous ne prions pas comme il faut, c'est-à-dire que nous prions sans pré­paration et sans désir de nous convertir, souvent même sans savoir ce que nous voulons demander au bon Dieu. Rien de si sûr, M.F., que cela, puisque tous les pécheurs qui ont demandé au bon Dieu leur conversion l'ont obtenue, et que tous les justes qui ont demandé à Dieu la persévérance ont persévéré. – Mais peut-être me direz-vous : L'on est trop tenté. – Vous êtes trop tenté, mon ami ? Vous pouvez prier et vous êtes sûr que la prière vous donnera la force de résister à la tenta­tion. Vous avez besoin de grâce ? Eh bien ! la prière vous l'obtiendra. Si vous en doutez, écoutez ce que nous dit saint Jacques, qu'avec la prière nous domi­nons sur le monde, sur le démon et sur nos penchants. Oui, M.F., dans quelques peines que nous soyons, si nous prions, nous aurons le bonheur de les supporter avec résignation à la volonté de Dieu ; et quelque vio­lentes que soient nos tentations, si nous avons recours à la prière, nous les surmonterons. Mais que fait le pécheur ? Le voici. II est très persuadé que la prière lui est absolument nécessaire pour éviter le mal et pour faire le bien, et pour sortir du péché quand il a le malheur d'y être tombé ; mais comprenez, si vous le pouvez, son aveuglement ; il ne fait presque point de prière ou il la fait mal. Cela n'est-il pas vrai, M.F. ? Voyez la manière dont un pécheur fait sa prière, sup­posé même qu'il en fasse, car la plupart des pécheurs n'en font point ; hélas ! on les voit se lever et se cou­cher comme des bêtes. Mais examinons ce pécheur faisant sa prière : voyez-le se couchant sur une chaise ou contre son lit, la faisant en s'habillant ou se désha­billant, en allant ou en criant, et peut-être même en jurant après ses domestiques ou ses enfants. Quelle préparation y apporte-t-il ? Hélas ! point du tout. Sou­vent et la plupart du temps, ces hommes ont fini leur prétendue prière, non seulement sans savoir ce qu'ils ont dit, mais encore sans penser devant qui ils étaient et ce qu'ils venaient faire et demander. Voyez-les dans la maison du bon Dieu, cela ne vous ferait-il pas mou­rir de compassion ? Pensent-ils qu'ils sont en la sainte présence de Dieu ? Non, sans doute : ils regardent qui entre et qui sort, ils parlent à l'un et à l'autre, ils bâil­lent, ils dorment, ils s'ennuient, peut-être même sont­-ils en colère de ce que les offices sont, selon eux, trop longs. Ils ont de la dévotion en prenant l'eau bénite à peu près comme quand ils en prennent dans le seau pour boire. A peine mettent-ils les deux genoux par terre, il leur semble que c'est beaucoup que de courber un petit peu la tête pendant la Consécration ou la Bénédiction. Vous les voyez promener leurs regards dans l'église, peut-être même sur des objets qui peuvent les porter au mal ; ils ne sont pas même entrés, qu'ils voudraient déjà être dehors. Quand ils sortent, vous les entendez crier comme des personnes que l'on tire d'une prison pour les mettre en liberté. Eh bien ! M.F., voilà le besoin du pécheur : vous voyez qu'il est bien grand. D'après cela, devons-nous nous étonner si un pécheur reste toujours dans son péché, et de plus, s'il y per­sévère ? Nous avons dit, en troisième lieu, que les avantages de la prière sont attachés à la manière dont nous nous acquittons de ce devoir, comme vous allez le voir. 1° Pour qu'une prière soit agréable à Dieu et avanta­geuse à celui qui la fait, il faut être en état de grâce ou du moins dans une bonne résolution de sortir du péché promptement, parce que la prière d'un pécheur qui ne veut pas sortir du péché est une insulte qu'il fait à Dieu ; 2° Pour qu'une prière soit bonne, il faut nous y être préparé. Toute prière qui est faite sans préparation est une prière mal faite, et cette préparation c'est, au moins, de s'occuper un instant du bon Dieu avant de se mettre à genoux, pensant à qui vous allez parler, ce que vous allez lui demander. Hélas ! que le nombre de ceux qui s'y préparent est petit, et par conséquent qu'il y en a peu qui prient comme il faut, c'est-à-dire de manière à être exaucés ? D'ailleurs, M.F., que voulez-­vous que le bon Dieu vous accorde, puisque vous ne voulez rien et ne désirez rien ! Disons encore mieux c'est un pauvre qui ne veut pas d'aumône, c'est un malade qui ne veut pas de guérison, c'est un aveugle qui veut rester dans son aveuglement ; enfin, c'est un damné qui ne veut point de ciel et qui consent d'aller en enfer. En deuxième lieu, nous avons dit que la prière est l'élévation de notre cœur vers Dieu, c'est un doux et heureux entretien d'une créature avec son Dieu. Ce n'est donc pas, M.F., prier le bon Dieu comme il faut, lorsque nous pensons à autre chose pendant que nous prions. Aussitôt que nous nous apercevons que notre esprit s'égare, il faut vite revenir en la présence du bon Dieu, nous en humilier devant lui, et ne jamais laisser nos prières parce que nous ne sentons point de plaisir à prier. Au contraire, plus nous avons de dégoût, plus notre prière est méritoire aux yeux de Dieu, si nous continuons toujours dans la pensée de plaire à Dieu. Il est rapporté dans l'histoire qu'un jour un saint disait à un autre saint : « Pourquoi est-ce que quand l'on prie le bon Dieu, notre esprit se remplit de mille pensées étran­gères, et que, bien souvent, si l'on n'était pas occupé à la prière, l'on n'y penserait pas. » L'autre lui répon­dit : « Mon ami, cela n'est pas étonnant : d'abord, le démon prévoit les grâces abondantes que nous pouvons obtenir par la prière, et par conséquent, il désespère de gagner une personne qui prie comme il faut ; ensuite, plus nous prions avec ferveur plus nous le rendons furieux ». Un autre à qui le démon apparut, lui de­manda pourquoi il était continuellement occupé à ten­ter les chrétiens ? Le démon lui répondit lui-même qu'il ne pouvait pas souffrir qu'un chrétien, qui tant de fois a péché, puisse encore obtenir son pardon, et que tant qu'il y aurait un chrétien sur la terre, il le tente­rait. Ensuite il lui demanda comment il les tentait. Le démon lui répondit, le voici : « Aux uns, je leur mets le doigt dans la bouche pour les faire bâiller ; les autres, je les endors ; et d'autres, je transporte leur esprit de ville en ville. » Hélas ! M.F., cela n'est que trop véritable ; nous éprouvons chaque jour ces choses, toutes les fois que nous sommes en la sainte présence de Dieu pour le prier. Il est rapporté que le supérieur d'un monastère voyant un de ses religieux qui, avant de commencer ses prières, se donnait certain mouvement et semblait parler avec quelqu'un, lui demanda de quoi il s'occu­pait avant de commencer ses prières. « Mon père, lui dit-il, c'est qu'avant de commencer mes prières, j'ai la coutume d'appeler toutes mes pensées et mes désirs en leur disant : Venez tous et nous adorerons Jésus-Christ notre Dieu. » « Ah ! M.F., nous dit Cassien, qu'il faisait bon voir prier les premiers fidèles ! Ils avaient un si grand respect en la présence de Dieu, qu'il semblait qu'ils étaient morts, tant le silence était grand ; on les voyait dans l'église tout tremblants ; il n'y avait ni chaises ni bancs ; ils se tenaient prosternés comme des criminels qui attendent leur sentence. Mais aussi, M.F., que le ciel se peuplait vite et qu'il faisait bon vivre sur la terre ! Ah ! bonheur infini pour ceux qui ont vécu dans ces temps heureux ! » 3° Nous avons dit qu'il faut que nos prières soient faites avec confiance, et avec une espérance ferme que le bon Dieu peut et veut nous accorder ce que nous lui demandons, si nous le demandons comme il faut. Dans tous les endroits où Jésus-Christ nous promet de tout accorder à la prière, il met toujours cette condition « Si vous la faites avec foi. » Quand quelqu'un lui de­mandait sa guérison ou autre chose, il ne manquait jamais de leur dire : « Qu'il vous soit fait selon votre foi. » D'ailleurs, M.F., qui pourrait nous porter à dou­ter, puisque notre confiance est appuyée sur la toute ­puissance de Dieu qui est infinie, et sur sa miséricorde qui est sans bornes, et sur les mérites infinis de Jésus­-Christ au nom duquel nous prions. Quand nous prions au nom de Jésus-Christ, ce n'est pas nous qui prions, mais c'est Jésus-Christ lui-même qui prie son Père pour nous. L'Évangile nous donne un bel exemple de la foi que nous devons avoir en priant, dans la personne de cette femme qui était atteinte d'une perte de sang. Elle se disait en elle-même : « Si je peux seulement toucher le bord de son manteau, je suis sûre d'être guérie. » Vous voyez qu'elle croyait fermement que Jésus-Christ pouvait la guérir ; elle attendait avec une grande con­fiance une guérison qu'elle désirait ardemment. En effet, le Sauveur passant près d'elle, elle se jette aux pieds de Jésus-Christ, lui touche son manteau, et aussi­tôt elle est guérie. Jésus-Christ, voyant sa foi, la regarde avec bonté, en lui disant : « Allez, votre foi vous a sauvée. » Oui, M.F., c'est à cette foi et à cette confiance que tout est promis. 4° Nous disons que quand nous prions, il faut avoir des intentions bien pures dans tout ce que nous de­mandons, et ne rien demander que ce qui peut contri­buer à la gloire de Dieu et à notre salut. « Vous pouvez, nous dit saint Augustin, demander des choses tempo­relles ; mais toujours dans la pensée que vous vous en servirez pour la gloire de Dieu et le salut de votre âme, ou pour celui de votre prochain ; autrement, vos de­mandes ne sont formées que par l'orgueil et l'ambition ; et si, dans ce cas, le bon Dieu refuse de vous accorder ce que vous lui demandez, c'est qu'il ne veut pas contri­buer à votre perte. Mais que faisons-nous dans nos prières, nous dit encore saint Augustin ? Hélas ! nous demandons une chose, et nous en désirons une autre. En récitant notre Pater, nous disons : « Notre Père, qui êtes aux cieux ; c'est-à-dire : Mon Dieu, détachez-nous de ce monde ; faites-nous la grâce de mépriser toutes les choses qui ne sont que pour la vie présente ; faites-­moi la grâce que toutes mes pensées et tous mes désirs soient pour le ciel ! » Hélas ! nous serions bien fâchés si le bon Dieu nous faisait cette grâce ; du moins, un grand nombre. Nous devons souvent prier, M.F., mais nous devons redoubler nos prières dans les épreuves et les tentations. En voici un bel exemple. Nous lisons dans l'histoire que, du temps de l'empereur Licinius, l'on voulut que tous les soldats fissent des sacrifices au démon. Dans le nom­bre il y en eut quarante qui refusèrent, en disant que les sacrifices n'étaient dus qu'à Dieu seul, et non au démon. On leur fit toutes sortes de promesses. Voyant que rien ne pouvait les vaincre, ils furent condamnés après bien des tourments à être jetés nus dans un étang d'eau glacée, pendant une nuit, dans les rigueurs de l'hiver, afin de les faire mourir par la rigueur du froid. Les saints martyrs, se voyant ainsi condamnés, se dirent les uns aux autres : « Mes amis, que nous reste-t-il à présent, sinon de nous jeter entre les mains du Dieu tout-puissant, de qui seul nous devons attendre la force et la victoire ? Ayons recours à la prière, et prions sans cesse pour attirer sur nous les grâces du Ciel ; deman­dons à Dieu que tous les quarante nous ayons le bonheur de persévérer. » Mais pour les tenter, l'on mit près de là un bain chaud. Malheureusement, un d'entre eux perdant courage, quitte le combat, et va se mettre dans le bain chaud ; mais en y entrant il perdit la vie. Celui qui les gardait voyant trente-neuf couronnes des­cendre du ciel, une seule restait. « Ah ! s'écria-t-il, c'est ce malheureux qui a quitté les autres !... » Il se met à sa place, reçoit la quarantième et est baptisé dans son sang. Le lendemain, comme ils respiraient encore, le gouverneur ordonna qu'ils fussent jetés dans le feu. Les ayant mis sur un chariot, excepté le plus jeune qu'on espérait encore pouvoir gagner ; sa mère qui en fut témoin, s'écria : « Ah ! mon fils, courage ! un moment de souffrance te vaudra une éternité de bonheur. » Et prenant elle-même son fils, elle le porte sur le chariot avec les autres ; pleine de joie, elle le conduit, comme en triomphe, à la gloire du martyre. Ils ne cessèrent de prier pendant tout le temps de leur martyre, tant ils étaient persuadés que la prière est le moyen le plus puis­sant pour attirer sur nous les secours du Ciel. Nous voyons que saint Augustin, après sa conversion, se retira pendant longtemps dans un petit désert, pour demander au bon Dieu la grâce de persévérer dans ses bonnes résolutions. Étant évêque, une bonne partie de ses nuits était occu­pée à la prière. Saint Vincent Ferrier, qui a tant converti d'âmes, disait que rien n'était si puissant pour convertir les pécheurs que la prière ; qu'elle était semblable à un dard qui perce le cœur du pécheur. Oui, M.F., nous pouvons dire que la prière fait tout ; c'est elle qui nous fait connaître nos devoirs, c'est elle qui nous fait connaître l'état misérable de notre âme après le péché, c'est elle qui y met les dispositions qui nous sont nécessaires pour recevoir les sacrements ; c'est elle qui nous fait comprendre combien la vie et les biens de ce monde sont peu de chose, ce qui nous porte à ne pas nous y attacher ; c'est elle qui imprime vivement la crainte salutaire de la mort, du jugement, de l'enfer et de la perte du ciel. Ah ! M.F., si nous avions le bonheur de prier comme il faut, que nous serions bientôt de saints pénitents ! Nous voyons que saint Hugues, évêque de Grenoble, dans sa maladie, ne pouvait se contenter de dire le « Notre Père. » On lui dit que cela pourrait contribuer à augmenter sa maladie. « Ah ! non, leur répondit-il, au contraire, cela soulage. » Nous avons dit, M.F., que la troisième condition afin que notre prière soit bien agréable à Dieu, est la persé­vérance. Nous voyons souvent que le bon Dieu ne nous accorde pas toujours de suite ce que nous lui deman­dons ; c'est pour nous le faire désirer davantage, ou pour nous le faire mieux apprécier. Ce retard n'est pas un refus, mais une épreuve, qui nous dispose à recevoir avec plus d'abondance ce que nous demandons. Voyez saint Augustin qui, pendant cinq ans, demande au bon Dieu la grâce de sa conversion. Voyez sainte Marie Égyptienne qui, pendant dix-neuf ans, demanda au bon Dieu la grâce de la délivrer des sales pensées. Mais qu'ont fait les saints ? Le voici. Ils ont toujours persévéré à demander, et par leur persévérance, ils ont toujours obtenu ce qu'ils ont demandé au bon Dieu. Pour nous, quoique tout couverts de péchés, si le bon Dieu ne nous accorde pas de suite ce que nous lui demandons, nous pensons que le bon Dieu ne veut pas nous accorder ce que nous lui demandons, et de suite, nous laissons la prière. Non, M.F., ce n'est pas là la conduite qu'ont tenue les saints en persévérance : ils ont toujours pensé qu'ils étaient indignes d'être exaucés, et que, si Dieu le leur accordait, il n'écoutait que sa miséricorde et non leur mérite. Je dis donc que quand nous prions, quoi­qu'il semble que le bon Dieu n'écoute pas nos prières, il ne faut pas se lasser de prier ; mais toujours continuer. Si le bon Dieu ne nous accorde pas ce que nous lui demandons, il nous accorde une autre grâce qui nous est plus avantageuse que celle que nous demandons. Nous avons un exemple de la manière dont nous devons persévérer dans la prière, en la personne de cette femme chananéenne, qui s'adresse à Jésus-Christ pour lui demander la guérison de sa fille. Voyez son humi­lité et sa persévérance, etc... Voici un autre exemple admirable de la puissance de la prière. Nous lisons dans l'histoire des Pères du désert, que les catholiques étant allés trouver un saint dont la réputation s'étendait bien au loin, pour le prier de venir confondre un certain hérétique, dont les discours séduisaient beaucoup de monde, ce saint s'étant mis en dispute avec ce mal­heureux, sans pouvoir le porter à convenir qu'il avait tort, et qu'il était un malheureux qui semblait n'être né que pour perdre les âmes ; voyant toujours que, par ses détours, il voulait faire croire qu'il n'avait pas tort ; le saint lui dit : « Malheureux, le royaume de Dieu ne consiste pas en paroles, mais en œuvres ; allons tous les deux, et avec tout ce monde qui seront autant de témoins, allons au cimetière ; nous invoquerons le bon Dieu sur le premier mort que nous trouverons, et nos œuvres feront voir notre foi. » Cet hérétique fut tout interdit de cette proposition, il n'osa se rendre à l'invi­tation : il demanda au saint d'attendre jusqu'au lende­main ; le saint y consentit. Le lendemain, le peuple qui désirait avec empressement de savoir à quoi cela abou­tirait, se rendit en foule au cimetière. L'on attendit jusqu'à trois heures du soir ; mais on annonça au saint que son adversaire avait pris la fuite pendant la nuit et s'était retiré en Égypte. Alors saint Macaire conduisit tout ce peuple qui attendait le résultat de leur confé­rence, et surtout ceux que ce malheureux avait trompés, il les mena au cimetière. S'étant arrêté sur un tombeau, là, en leur présence, il se mit à genoux, pria quelque temps, et s'adressant au plus ancien cadavre qui fût enterré dans ce lieu, lui dit : « O homme ! écoute-moi : si cet hérétique fût venu ici avec moi, et que, devant lui, j'eusse invoqué le nom de Jésus-Christ mon Sau­veur, ne te serais-tu pas levé pour rendre témoignage à la vérité de ma foi ? » A ces mots, le mort se lève et en présence de tout le monde, dit qu'il l'aurait de suite fait comme il faisait maintenant. Saint Macaire lui dit « Qui es-tu ? et en quel âge du monde as-tu vécu ? As-tu connaissance de Jésus-Christ ? » Le mort ressuscité lui répondit qu'il avait vécu du temps des plus anciens rois ; mais qu'il n'avait jamais entendu nommer le nom de Jésus-Christ. Alors saint Macaire, voyant que tout le monde était bien convaincu que ce malheureux héré­tique était un trompeur, dit au mort : « Dors en paix jusqu'à la résurrection générale. » Et tout le monde se retira en louant Dieu, qui avait si bien fait connaître la vérité de notre sainte religion. Pour saint Macaire, il retourna dans son désert pour y continuer à faire péni­tence. Voyez-vous, M.F., la puissance de la prière quand elle est bien faite ? Ne conviendrez-vous pas avec moi que si nous n'obtenons pas ce que nous demandons au bon Dieu, c'est que nous ne prions pas avec foi, avec un cœur assez pur, avec une confiance assez grande, ou que nous ne persévérons pas assez dans la prière ? Non, M.F., jamais Dieu n'a refusé et ne refusera rien à tous ceux qui lui demandent quelque grâce comme il faut. Oui, M.F., c'est la seule ressource qui nous reste pour sortir du péché, pour persévérer dans la grâce, pour toucher le cœur de Dieu, et pour nous attirer tou­tes sortes de bénédictions du ciel, soit pour l'âme, soit même pour les choses temporelles. De là, je conclus que si nous restons dans le péché, si nous ne nous convertissons pas, si nous nous trou­vons si malheureux dans les peines que le bon Dieu nous envoie, c'est que nous ne prions pas ou que nous prions mal. Sans la prière, nous ne pouvons pas fré­quenter dignement les sacrements ; sans la prière, vous ne connaîtrez jamais l'état où le bon Dieu vous appelle. Sans la prière, nous ne pouvons qu'aller en enfer. Sans la prière, jamais nous ne goûterons les douceurs que nous pouvons goûter en aimant Dieu. Sans la prière, toutes nos croix sont sans mérite. Oh ! que de plaisirs, M.F., nous aurions en priant, si nous avions le bonheur de savoir prier comme il faut ! Ne prions donc jamais sans bien penser à qui nous parlons et à ce que nous voulons demander au bon Dieu. Prions surtout, M.F., avec humilité et confiance, et par là, nous aurons le bonheur d'obtenir tout ce que nous désirons, si nos demandes sont selon Dieu. Ce que je vous souhaite...

 



24/12/2008
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